Fyctia
Chapitre 18 - Loup
– On ne met pas trop lourd, d’accord ? Le but c’est que tu fasses bien le mouvement, que tu sentes que ça travaille et non que tu te fasses mal dis-je en installant les poids tandis que Constance prend place à la presse à cuisses.
– J’ai déjà mal avant de commencer dit-elle en positionnant ses pieds sur la plateforme, prête à pousser.
– Grenouille, concentre-toi.
– Si tu arrêtais de m’appeler grenouille, je pourrais peut-être mieux me concentrer répond-elle en levant les crochets de sécurité pour débloquer la charge.
– Je te rappelle juste ta période où tu voulais devenir une grenouille. Tu sautais partout dans la maison car tu pensais vraiment en être une dis-je avec un sourire moqueur.
– J’avais six ans répond-elle en levant les yeux au ciel puis en poussant fortement sur ses jambes pour commencer l’exercice.
Je m’accroupis à son niveau, l’observe attentivement et l’encourage.
– Allez. Pousse, expire à la montée, inspire et contrôle à la descente, c’est parfait.
– Je pourrais aussi m’arrêter là… ce n’est pas comme si quelqu’un m’en voudrait souffle-t-elle, la mâchoire crispée.
Je me redresse en passant une main dans mes cheveux.
– Tu ne t’arrêtes pas, Constance, il te reste juste une série. Ce n’est pas toi d’abandonner, tu es forte et courageuse, tu continues toujours même lorsque ça devient difficile.
Constance tremble légèrement à la dernière répétition mais ne lâche pas. Puis, elle repositionne rapidement les verrous de sécurité dans un soupir de soulagement.
– Comment fais-tu pour pousser si facilement le double de ce que je viens de faire ? demande-t-elle en se redressant.
– Ce n’est pas une compétition, grenouille. Et tu es mille fois plus courageuse que moi dis-je en lui tendant sa serviette qu’elle attrape.
Constance s’éponge rapidement le front puis saisit sa gourde pour boire une gorgée d’eau.
– C’est quoi la suite maintenant ? Tu comptes me tuer aujourd’hui ou demain ?
J’éclate de rire avant de boire une gorgée d’eau.
– On va travailler les bras. Mais avant ça, promets-moi quelque chose.
– Quoi ?
– Promets-moi que tu continueras de te battre. Même les jours où tu auras envie de tout envoyer balader.
Constance baisse les yeux un instant puis relève son menton en remontant ses lunettes sur son nez.
– C’est promis, Loulou.
Je manque d’avaler de l’eau de travers alors qu’elle éclate de rire.
– C’est toi qui as commencé avec grenouille… et mamie adorait t’appeler comme ça déclare-t-elle, un sourire moqueur se dessinant sur son visage.
☆☆☆
Après avoir fait une bonne séance de sport, douche prise, nous rentrons à mon appartement. Constance n’osait pas passer les portes d’une salle de sport seule et je l’aide à se sentir plus à l’aise en l’accompagnant quelques fois par semaine.
La sclérose en plaques la force à adopter une hygiène de vie irréprochable et l’activité physique l’aide à renforcer ses muscles, affaiblis par la maladie mais cela favorise aussi son bien-être mental.
– Si je commande des sushis, c’est bon pour toi ?
– C’est parfait souffle-t-elle en s’allongeant de tout son corps sur le canapé du salon, un râle de soulagement s’échappant de ses lèvres.
Je rejoins Constance sur le canapé, me laissant tomber dans les coussins moelleux.
– Tu as mal ? demandé-je, inquiet.
– J’ai dix-neuf ans mais j’ai l’impression d’être enfermée dans le corps d’une personne âgée…
– Grenouille…
– Je n’ai pas mal, Loup. C’est juste que je ressens quelques fourmillements dans mes mollets, c’est habituel.
J’attrape doucement ses jambes que je dépose sur mes cuisses. Constance ne proteste pas, elle a l’habitude que je l’aide à soulager les symptômes de sa maladie. Je masse lentement un mollet puis l’autre, sentant toute la tension musculaire accumulée sous mes doigts. J’appuie assez pour la soulager mais pas trop, pour ne pas lui faire mal.
– Ça va mieux comme ça ?
– Oui… ça me tire déjà moins.
Après avoir massé ses mollets durant quelques minutes, Constance se redresse, attrape la télécommande posée sur la table basse puis décide de choisir une série ou un film à regarder sur Netflix. J’en profite alors pour récupérer la commande de sushis qui vient d’arriver. Lorsque je reviens, le salon est vide. Je pose le sac sur la table basse puis m’avance vers le couloir.
J’aperçois une lumière filtrer à travers la porte de mon atelier. Je l’entrouvre et retrouve Constance, debout face à mon chevalet, observant de près le dernier dessin que j’ai esquissé. J’éclaircis ma voix pour signaler ma présence et ma petite sœur se retourne immédiatement.
– C’est qui cette fille ? demande-t-elle, un sourire mutin aux lèvres.
– Personne. C’est juste mon imagination.
– Ton imagination ou tes fantasmes ? Elle est jolie en tout cas ajoute-t-elle en frôlant du bout des doigts le visage de Mira.
– Allez, viens, on va manger dis-je en passant nerveusement une main dans mes cheveux.
– Tu devrais exposer, Loup, faire connaître ton talent aux autres…
– J’en rêve mais… je ne sais pas si je suis fait pour ça. Mamie était la seule à croire en mon talent…
– Loup, je sais que je ne te le dis pas souvent mais moi aussi je crois en toi…
– Merci grenouille.
– Mais je n’ai pas envie d’être un poids pour toi, je sais que les parents te mettent la pression pour maintenir l’entreprise à flot, pour payer mes traitements hors de prix… ajoute Constance, la voix étranglée, les yeux brillants, tentant de retenir ses larmes.
Je m’avance vers elle, fixe son regard puis pose mes mains sur ses épaules pour la rassurer.
– Si je dois continuer à m’investir dans l’entreprise familiale pour toi, je le ferais et c’est mon choix. Si je peux contribuer à payer des traitements innovants pour t’aider à aller mieux, Constance, je le ferais aussi, sans aucune hésitation.
– Merci souffle-t-elle difficilement.
Constance laisse tomber son front contre mon épaule, je la prends alors dans mes bras puis dépose un baiser sur sa tête.
– On va manger ? demande-t-elle en s’écartant de moi.
– Tu peux commencer, je te rejoins.
Constance quitte l’atelier et je soupire lourdement. Mes yeux font le tour de la pièce. Les murs sont recouverts de dessins, de visages, de paysages, de mots… le bureau est parsemés de crayons, de fusains, de feuilles, de carnets...
Depuis que j’ai retrouvé un semblant d’inspiration, depuis Mira… Je commence à nouveau à croire en mes rêves, à m’imaginer que peut-être moi aussi je pourrais devenir un grand artiste exposé… Je recommence à croire en ce que je crée.
Et je me dis qu’il n’ y a pas de limites à ce que nous pouvons accomplir dans la vie.
Les limites sont des lignes imaginaires qui n’attendent que d’être franchies.
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Dine79
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Lys Bruma
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MONTENOT Florence
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Le Mas de Gaïa
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Lys Bruma
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Luana Mmdc
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Lys Bruma
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Il y a 2 mois