Fyctia

Le souffle court, je tourne la tête à gauche et un cerf, figé au milieu de la route, les yeux étincelants dans l’obscurité, s’éloigne au loin dans les bois. Les mains tremblantes, tentant de retrouver mon souffle, je remets le contact. Une fois. Deux fois. Trois fois. J’entends un « clic » mais rien ne se passe. Non. Non. Non.

Quatre fois. Cinq fois. Six fois. Sept fois. Huit fois. Neuf fois. Dix fois.

Mes doigts tremblants détachent ma ceinture, j’attrape mon manteau et mon écharpe sur la banquette arrière que j’enfile fébrilement. J’ouvre la portière et un vent glacial frappe mon visage, emportant des mèches de cheveux devant mes yeux que j’essaie de retirer alors que les flocons de neige s’infiltrent jusque dans mes narines.

Je me baisse pour enclencher le bouton d’ouverture du capot puis je sors de ma voiture. Mes bottes glissent plusieurs fois sur du verglas et j’avance prudemment. J’ouvre le capot et jette un œil sur la batterie. Elle a une forme bizarre, cabossée, déformée. Je porte une main à mon front en soufflant. Tout mais pas ça.

J’adore ma voiture, elle est ancienne, elle a beaucoup de kilomètres au compteur mais elle a toujours été fonctionnelle. Jusqu’à maintenant. Apparemment, elle n’a pas apprécié les conditions météorologiques extrêmes et la petite sortie de route.

Je referme le capot puis lève les yeux au ciel en soupirant lourdement. Sérieusement ? Comment j’ai pu croire qu’une étoile filante était un signe divin de mon frère ? Je suis tellement idiote.

J’attrape mon téléphone, mes clés de voiture et mon sac à dos qui a été projeté sur le tableau de bord lors de mon freinage brutal. Je râle en m’emmitouflant dans mon manteau et mon écharpe. Je claque brutalement la portière. Je plisse les yeux en constatant que je n’ai aucun réseau sur mon téléphone. Je marmonne dans mon écharpe. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire maintenant ?

J’allume la lampe de mon portable pour m’éclairer et commence à marcher. Je ne sais pas où je vais mais il y a bien un fichu endroit où il y a du réseau dans cette forêt. Mes bottes s’enfoncent dans la neige, je remonte difficilement la route durant de longues minutes avant d’apercevoir au loin un point lumineux.

Je me rapproche alors en m’enfonçant encore un peu plus dans la neige, les flocons m’aveuglant, mes pulsations cardiaques s’accélèrent lorsque je distingue un chalet. Une lumière chaude filtre à travers les fenêtres. Est-ce qu’il y a vraiment quelqu’un ici ou je délire ?

Je continue mon chemin jusqu’à la porte d’entrée en bois, je lève le poing pour frapper puis me ravise. Et si un psychopathe habitait ici ? Et s’il me séquestrait dans son chalet ou m’enfermait dans sa cave ? Je secoue la tête pour reprendre mes esprits. J’ai vraiment visionné trop d’épisodes d’esprits criminels.

J’éteins la lampe de mon portable, je consulte l’heure. Il est minuit. Super. Jordyn va se demander ce que je fabrique.

Je glisse mon portable dans la poche de mon manteau, retire mon sac à dos et ouvre la fermeture pour en sortir la bouteille de jus de pomme pétillant. Ce sera une arme dissuasive si jamais.

Je repositionne mon sac sur mon dos en prenant une grande inspiration. Je serre fortement la bouteille entre mes doigts puis toque une fois contre le bois humide. J’attends quelques secondes. Je n’entends rien. Je toque une deuxième fois. Je tends l’oreille et semble distinguer un semblant de bruit, peut-être des pas. Je toque alors une troisième fois plus fortement et la porte s’ouvre.

Je cligne plusieurs fois des yeux et mon pouls s’accélère.

– Bonsoir, enfin, bonne année ! dis-je anxieusement en brandissant la bouteille devant le visage de l’inconnu qui me fait face.

N’importe quoi, Mira.

– Vous êtes… ? demande-t-il d’une voix rauque, les sourcils froncés.

– Je suis… bloquée… bloquée en bas du chemin qui mène à votre chalet, ma voiture est bloquée dans la neige et…

Il croise ses bras contre son torse tout en prenant appui sur l’encadrement de la porte puis un léger sourire se dessine sur son visage.

Je crois que ça va être le nouvel an le plus improbable de ma vie.