Fyctia
Chapitre 1 - Mira
Mes doigts glissent doucement sur les touches blanches et noires. Ce n’est pas toujours parfait mais mes spectateurs ne sont pas vraiment exigeants. Ils sont même plutôt calmes. Certains n’entendent pas distinctement ce que je leur joue mais ils semblent tout de même apprécier. Les vibrations émises par la mélodie touchent leur âme, et cela, ils le ressentiront toujours.
– Ma petite Mira, est-ce que tu peux jouer ma chanson… Tu sais, celle de mon Henry, mon soldat américain… celle que j’adorais lui chanter… avant qu’il parte…
Rosemonde presse fébrilement mon épaule pour garder l’équilibre alors qu’elle s’assoit sur le banc à mes côtés. J’ai appris cette chanson par cœur pour lui faire plaisir et nous la fredonnons ensemble à chaque fois que je viens ici. Parfois, je crois qu’elle oublie que je lui ai déjà joué il y a une heure car elle me la redemande encore. J’éclaircis ma voix et joue les premières notes. Rosemonde commence à chanter et je la rejoins timidement. J’ai toujours détesté ma voix mais si ça peut la rendre heureuse.
– « You are my sunshine
My only sunshine
You make me happy when skies are gray
You’ll never know, dear,
How much I love you
Please don’t take my sunshine away
The other night, dear
As I lay sleeping
I dreamed I held you
In my arms
When I awoke, dear
I was mistaken
So I hung my head and cried
You are my sunshine
My only sunshine
You make me happy when skies are gray
You’ll never know, dear,
How much I love you
Please don’t take my sunshine away… »
Mes mains retombent sur mes cuisses et mon cœur se serre. Rosemonde se tourne vers moi et m’adresse un sourire chaleureux.
– Merci Mira. Tu as vraiment une jolie voix.
Je lui retourne son sourire tandis qu’elle se lève en prenant encore appui sur mon épaule puis retourne s'assoir auprès des autres résidents. Mes doigts caressent une dernière fois le clavier puis je rabats le couvercle. Je me devais de leur offrir la dernière mélodie de l’année.
Je me lève en adressant un au revoir aux résidents présents en agitant ma main puis me dirige vers la sortie. Je viens chaque semaine dans cette maison de retraite pour jouer du piano. Je ne suis pas une virtuose, j’ai appris en autodidacte ces dernières années, mais je fais de mon mieux pour leur apporter un peu de baume au cœur. La musique ravive certainement en eux des sensations qu’ils ont enfouie aux tréfonds de leur mémoire.
Et si je peux apporter ce serait-ce qu’une once de joie à quelqu’un. Cette joie que je cherche encore en moi…
Lorsque je rentre à mon appartement, je constate avec étonnement que ma colocataire a tout mis sens dessus dessous. Si je ne connaissais pas Jordyn parfaitement, j’aurais pu croire à un cambriolage.
– Jordyn ? Qu’est-ce que tu fais ?
– Oh Bambi ! s’écrie-t-elle en sortant en furie de sa chambre, un bonnet rose fuchsia avec deux pompons sur la tête et des moufles blanches aux mains.
Bambi… déjà un an qu’elle m’a affublée de ce surnom, en raison de mes grands yeux noirs de biche, selon ses dires.
– Tu as oublié que c’est le nouvel an ce soir ? Et que j’ai organisé la soirée de l’année dans un chalet alors tu as intérêt à être présente !
Mon dieu, cette soirée que j’essaie d’esquiver depuis des mois.
– Jo, ce n’est pas vraiment mon truc les chalets…
Et le nouvel an n’a plus la même saveur qu’avant pour moi.
– Un chalet dans les montagnes vosgiennes avec vue sur le lac, ambiance feu de cheminée, musique et grillage de marshmallows, ce n’est pas ton truc ?
Je déglutis en jetant mon manteau sur le canapé du salon.
– Je préfère rester ici…
– Bambi… Je sais que parfois c’est difficile mais… il est temps de te libérer de tes tourments, chérie ! Cette année, le thème de ma soirée est : oser faire ce que tu n’aurais jamais pensé faire. Et qui dit nouvel an dit nouveau départ.
Je soupire en m’asseyant sur le canapé.
– Tu aurais pu organiser ta soirée ici à Paris, non ?
– Je veux bousculer nos habitudes ! Et je n’en peux plus de cette frénésie parisienne, des gens pressés, malpolis, stressés, du métro et des rats ! Quoi de mieux qu’un écrin de nature pour réaligner nos chakras ?
Une expression amusée se dessine sur mon visage. Jordyn a le don de me redonner le sourire. C’est la première personne que j’ai rencontrée lorsque j’ai déménagé ici. Je cherchais une colocataire et j’ai trouvé la perle rare.
– Jo, tu sais qu’il y aura certainement des rats à ta soirée et peut-être même des plus gros qu’ici.
Jordyn éclate de rire et s’assoit à mes côtés.
– Je t’ai envoyé l’adresse par message, si tu changes d’avis… c’est reposant de rester seule Bambi mais parfois c’est aussi bien d’être entourée.
Jordyn sursaute en consultant son portable.
– Il est déjà midi ! Il faut que je prenne la route, il y a quand même presque cinq heures qui nous sépare du chalet. Tu es sûre que tu ne veux pas venir avec moi ?
– Je suis certaine.
– Comme tu voudras… mais tu sais déjà que je vais t’harceler de messages et de vidéos jusqu’à ce que tu cèdes. Et si jamais tu changes d’avis, ne prends pas la route trop tard, ils ont prévu beaucoup de neige et de vent ce soir.
Jordyn dépose un baiser sur ma tête, court vers sa chambre, tire une valise aussi grande qu’elle, puis quitte l’appartement.
Je laisse lourdement mon dos s’avachir dans le canapé en soupirant. Je balance ma tête en arrière et je ferme les yeux.
Mira arrête de réfléchir, profite de la vie pour moi.
Je sursaute en ouvrant les yeux lorsque la voix rauque de mon frère résonne dans ma tête. Je l’entends souvent, toujours, depuis un an comme si je devenais folle. Je passe une main sur mon visage.
– Comment vivre alors que tu n’es plus là… tu étais ma seule famille et je n’ai pas su te sauver…
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Emma78
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Il y a 2 mois
Lys Bruma
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AMA ROSE
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M.B.Auzil
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Lys Bruma
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