Mad May Adieu les étoiles Funérailles (5)

Funérailles (5)

L'ennemie fit quelques pas vers le chœur. Benvolia l'imita et descendit l'allée centrale de la nef. Elles se rencontrèrent devant l'autel, faisant déguerpir le Grand prêtre.


Elles s'affrontaient enfin. L'Amiral et l'ancienne Impératrice, à l'origine de tout.


« Bel endroit pour un duel, dit l'ennemie avec fierté.

— Ça vaut mieux qu'un bordel -kof- Je n'aime pas les dommages collatéraux.

— C'était l'idée de mon étoile. »


Benvolia s'assombrit. L'instant d'après, sa lame siffla à un cheveu du visage de l'adversaire. Une corde de nylon claqua, tranchée net.

La fausse Dame se toucha le front pour évaluer les dégâts. Elle paraissait déçue.


« Ce que je raconte ne vous intéresse pas ?

— À votre avis ? dit Benvolia en fouettant l'air de son sabre. Je n'ai pas le temps de m'extasier. Ici ou ailleurs -kof- c'est pareil.

— Mon étoile...

— Les étoiles n'existent pas. C'est juste une métaphore. »


L'argument déplut.

Le visage de l'ennemie se ferma et ses cordes de nylon se tendirent à l'extrême, comme si Benvolia avait commis un sacrilège. Dans un cliquetis, elle restructura ses doigts pointus en dagues effilées. Une pour chaque main.


« Une métaphore, répéta-t-elle, haineuse. Vous ne méritez même pas que je vous envoie les rejoindre. »


La première attaque surprit Benvolia par sa vélocité.


Les deux dagues la visèrent au même endroit, au niveau de l'artère carotide qui irriguait son cou. Elle esquiva, mais il s'en fallut de peu. L'air siffla, transpercé, tandis que les dagues emportaient une mèche de ses cheveux.

L'ennemie attaqua encore et encore. Elle se fendait à la cadence infernale d'un marteau piqueur. À plusieurs reprises, Benvolia sentit les armes blanches s'accrocher à son treillis.


Ce n'était pas la première fois qu'elle combattait ce genre d'adversaire, rapide et puissant. Elle était plus lente à prendre ses marques. Toutefois, malgré sa vitesse, l'ennemie manquait de technique.


Benvolia exploita cet écart.

Essoufflée, le front en sueur, elle sortit de sa posture de défense grâce à une feinte particulièrement difficile.


Ensuite, elle montra tout ce qu'elle avait appris.


Elle attaqua au fer. Quand les dagues revinrent à la charge, elle feinta pour les contrer. Elle ne se battait pas pour le plaisir de voir les lames s'entrechoquer. Elle se battait pour gagner. Elle multiplia les bottes secrètes, non seulement pour leur efficacité, mais aussi parce qu'elles impressionnaient l'assistance, à commencer par la duelliste adverse. Pour une fois, elle pensait aux réactions des spectateurs : ses soldats, la garde impériale et le peuple d'En-haut. Tous ceux qui la regardaient en ce moment même, et qui porteraient ce duel à la postérité.


Mara faisait partie de ceux-là. Elle avait cueilli le premier ministre alors qu'il tentait de s'enfuir. De son pied, elle lui écrasait le torse, laissant une trace de boue sur sa coûteuse chemise. Elle ne perdait pas la moindre seconde du duel. Malgré elle, son nez coulait et ses yeux brillaient d'émotion.


« C'est vraiment le plus beau jour de ma vie, » dit-elle en se mouchant dans sa manche.


Face à tant de brutalité aveugle, le travail de déstabilisation de Benvolia paya. L'ennemie trébucha sur une marche du chœur. C'était maintenant. Benvolia prit de l'élan et bondit sur l'autel pour lui asséner le coup de grâce. Elle-même repoussait ses limites. Des points noirs dansaient devant ses yeux, mais elle tint bon et sauta de l'autel.


Elle frappa l'épaule de l'adversaire. La lame se ficha dans le métal comme dans du bois dur. Avec un cri de rage, elle la retira et lui abattit de nouveau en pleine poitrine.


Des pièces de métal volèrent, arrachées du corps mécanique. Les fonctions vitales de la fausse Dame s'affolèrent. Ses deux dagues cliquetèrent, redevenant des doigts.


Alord, au prix d'un dernier effort, Benvolia lui planta le sabre dans le sternum. Elle la cloua au sol comme une bête de collection.


Le fracas du fer retomba.


Un instant s'écoula, pendant lequel tout parut figé. Benvolia demeura à genoux, prostrée sur la vaincue. Elle faisait de l'apnée comme dans un cauchemar.


J'ai mal. J'étouffe.


Or, l'ennemie n'était pas morte. Allongée, les bras en croix, elle fixait le plafond où pendaient les étoiles du culte, décorées d'or et d'argent.


« C'est la fin, murmura-t-elle. Adieu, mon étoile. »


Pour une fois, c'était vrai.


Tandis qu'elle se relevait, haletante, l'ennemie ouvrit la bouche et pinça l'une de ses couronnes dentaires : le détonateur. Tous les événements s'alignèrent d'un coup dans la mémoire de Benvolia. Le souvenir du captif, l'explosion et l'origine du duel.


Trop tard pour courir.


L'explosion eut lieu.


Le corps de la fausse Dame chauffa à blanc. Une lumière prodigieuse jaillit d'elle en fils d'araignée, avalant la nef. L'église tout entière cracha des faisceaux. Les étoiles se décrochèrent du plafond avant l'écroulement général.


Cela ressemblait au choc des corbombes, mais il y avait autre chose, une énergie malsaine, qui projeta Benvolia contre la voûte. Broyée par cette puissance, elle ne put que se soumettre et attendre que tout disparaisse : la vue, l'ouïe et le toucher. La dernière goulée d'air piégée dans ses poumons.

Oui, c'était peut-être la fin.


« Tout va bien, » retentit alors une voix masculine.


Benvolia sursauta et ouvrit les yeux.


Elle flottait quelque part entre le sol et la voûte. Le manque d'air et la chaleur la faisaient suffoquer, mais elle était bien vivante. La lumière avait faibli autour d'elle. L'église exsudait une matière visqueuse qui l'enrobait comme de la colle. Benvolia adhérait à cette gelée, collée par son treillis. Au-dessous d'elle, dans le chœur, l'ennemie n'était plus qu'un tas carbonisé.


« L'église tiendra debout, dit la voix. C'est la magie de la domotique. J'ai bien fait de m'inspirer du palais. »

Arthus se recroquevillait derrière l'autel. Ses mains tremblantes, crispées sur une télécommande, avaient contrôlé l'édifice. Pourtant, ce n'était pas lui qui parlait. La voix provenait de la porte à l'encadrure massive, où se tenait une silhouette bien vêtue.


Benvolia articula sans y croire :


« Fiodor ? »


Le souverain entra dans l'église. Son manteau de plumes blanches semblait mousser sur ses talons. La gélatine y jetait des reflets arc-en-ciel.


« Vous voilà bien arrangée, ma chère, » dit-il en souriant.


Des larmes brûlantes montèrent aux yeux de Benvolia, alors qu'il grimpait sur l'autel et tendait galamment la main pour l'aider à descendre. Elle posa pied sur la pierre, entourée par ses bras. L’air circula de nouveau dans ses poumons usés, et avec lui, la toux. Une violente quinte secoua tout son corps. Visiblement, ses tissus malades n’appréciaient pas le renouveau de l'oxygène.


« Prenez votre temps, dit Fiodor. Respirez à fond. Nous avons beaucoup de choses à nous dire.

— kof kof- Vous m’avez menti ! »


Elle tapa sur son torse. Ses poings n’avaient plus de force.


« Vous avez feint votre mort -kof- vous m’avez abandonnée-

— Je sais. Et je vous demande pardon. »

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6 commentaires

Tonie Mat N’zo

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Il y a 8 mois

Les retrouvailles sont très belles. Elles tranchent avec le debutcde l'histoire où Fiodor semble être l'enfant et Benvolia la maman... il me semble qu'il manque un petit qqch qui ferait le lien entre une relation maternelle et une relation d'amour. Je ne sais pas si c'est clair.

camillep

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Il y a 9 mois

Superbe scène ! Je me questionne juste sur le déroulé de ton intrigue… on a l’air d’arriver au dénouement à moins que tu nous réserve une nouvelle surprise !

Amaya_42_10

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Il y a 9 mois

🥰

SuperShark

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Il y a 9 mois

KYAAAAAA-Hum, pardon- le retour de Fiodor!! Le rythme, la bataille presque d'apparat pour la gloire et rester en mémoire de tous, et l'explosion qui est pourtant un outil qui revient, nan vraiment je l'avais pas vue venir et c'en est d'autant plus génial!! La technologie de la Géode c'est vraiment le glaçage sur le gâteau de la logique, j'apprécie énormément la façon avec laquelle tu as semé des éléments au fil du récit pour qu'ils ressurgissent de façon opportune. C'est juste génial!

nofaceuser

-

Il y a 9 mois

soutien ;)
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