Fyctia

Février 2012…

La voix dans ma tête continue de crier mon nom. Ricanant comme si elle se moquait de moi. Comme si elle était heureuse d’avoir enfin atteint son but. L’image d’Anna imprimée derrière mes paupières closes. Je revois sa larme, son unique larme, rouler sur son visage défait. Ses yeux emplis de tristesse et de fatigue. Aucune colère. Aucune haine.

Pourtant moi je me hais. Je me dégoûte. Je me déteste de lui faire autant de mal alors que si je lui avais parlé j’aurais pu l’éviter. J’aurais pu lui épargner la peine que j’ai vue sur ses lèvres tremblantes. Putain de merde !

Je ne sais même plus où je suis. J’ai seulement conscience que mes genoux touchent le sol. Tout tourne autour de moi comme pour m’aspirer un peu plus dans cette spirale répugnante qu’est devenue ma vie. Je ne vois plus rien. Plus rien à part Elle. J’ai envie de hurler mais rien ne sort. Je me demande ce que j’ai bien pu faire pour en arriver là, pour mériter de porter un tel fardeau. Pourquoi moi bordel ?

Mon poing rencontre le mur. Une fois. Deux fois. Cognant de plus en plus fort jusqu’à ce que le mal qui me ronge finisse par sortir. Sauf qu’il s’accroche. Il reste là à déverser sa noirceur dans mon âme. Il s’acharne à effriter les miettes de mon cœur. Ouvrant ma poitrine en deux pour l’en extraire. Déchirant ma peau dans une plaie béante. Je me hais !

-Evan !

J’entends encore qu’on m’appelle. Des mains se posent sur moi. Je ne veux pas qu’on me touche mais on ne m’écoute pas. Je voudrais simplement rester là et agonir en paix. Je pourrais même mourir ici, à même le sol puisque maintenant je n’ai plus rien à perdre. Je pourrais me sentir enfin libre, dégagé de toute cette merde qui me pourrit la vie depuis des années. Et qui pollue celle des autres.

Ma poitrine me fait mal, me déchire. Je savais que j’allais la perdre…mais pas comme ça. Pas de la façon la plus ignoble qui soit. Putain je suis un connard ! Je sens que je continue à m’enfoncer. Pourtant j’ai la sensation qu’on me retient, que tout s’agite autour de moi. Mais je ne vois rien. Je ne veux rien voir. Je ne pourrais pas supporter le regard de qui que ce soit. Celui d’Anna est déjà trop dur à supporter.

-Evan !

Je suis certain qu’on me secoue. Je peux sentir des mains m’empoigner les épaules. Sauf que mon corps ne réagit plus. Je suis vidé de toute force et de toute énergie.

J’ai conscience que je bascule quand ma tête touche le sol dans un bruit sourd. J’entends qu’on crie, qu’on panique, mais je ne ressens rien. Je n’ai plus aucunes émotions à part celles qui ne me quittent jamais. Je pleure ma femme perdue alors que je suis seul responsable.

J’aurais dû. J’aurais pu. Sauf qu’il est trop tard.

Mes larmes me brûlent les joues. Je laisse couler toute ma honte et la laideur de ma trahison. Maintenant je pourrais partir. Partir et enfin trouver la paix. Sans obsessions, sans perversité, sans frustrations. Sans douleur tout simplement. La mienne et celle que j’inflige aux autres. Tout ça serait derrière moi. Je serais enfin libéré de mon fardeau et je pourrais à nouveau respirer.

-Evan tu m’entends ?

Les voix continuent de me parler alors que mon corps commence à trembler. Je convulse sous l’angoisse. J’ai peur. Peur de la suite. Peur de rentrer chez moi et de découvrir qu’Anna est vraiment partie. Qu’elle m’a quitté sans savoir. Sans que je puisse lui expliquer. Peur de devoir à nouveau vivre dans la souffrance. Dans la torture physique et psychologique. Peur de devoir maintenant vivre sans cœur.

Alors que c’était déjà compliqué de vivre sans âme.