Fyctia
9. L’ombre et la vérité
L’air autour de moi devient plus lourd, chargé d’une tension que je n’arrive pas à définir. Mon corps entier est en alerte, chaque muscle tendu, chaque battement de cœur résonnant dans ma cage thoracique comme un tambour de guerre.
Je recule instinctivement, mais la voix – cette voix douce et tranchante à la fois – m’enveloppe comme une brume glaciale.
« Qui es-tu ? » je répète une troisième fois, la gorge nouée.
Cette fois, elle ne rit pas.
—La vraie question, Evelyne… c’est qui tu es.
Mon souffle se coince.
Elle sait comment je m'appelle.
C'est assez flippant quand je pense qu'elle n'était pas là avant et qu'aucune porte ne s'est ouverte.
Un tremblement me secoue. Mon instinct me hurle de fuir, de me détacher de cette présence qui semble lire en moi comme un livre ouvert.
Mais quelque chose d’encore plus profond me retient.
L’envie de savoir.
L’envie de comprendre.
« Qu’est-ce que ça veut dire ? » ma voix est plus faible que je ne l’aimerais.
Un silence.
Puis un mouvement.
Une silhouette émerge lentement de l’obscurité et tout devient légèrement claire. Nous sommes dans la pénombre et devant nous se trouve un grand miroir.
Je retiens un hoquet.
Son reflet ainsi que le mien paraissent flous un instant.
Je ne savais pas à quoi je ressemblais avant aujourd'hui. Mon corps est tout maigre, rempli de tâches noires et mes cheveux sont dans un état pitoyable.
Et elle… c’est une femme.
Non.
C’est moi.
Je fixe, paralysée, cette version de moi-même, légèrement différente.
Son visage est le mien, mais plus marqué, plus froid. Ses yeux, pourtant identiques aux miens, me sondent avec une intensité qui me donne le vertige.
C’est impossible.
Je vacille.
—Qu’est-ce que…
Elle incline légèrement la tête, un sourire énigmatique flottant sur ses lèvres.
—Tu savais, au fond.
Ma tête tourne.
Ce n’est pas réel.
Ça ne peut pas être réel.
Je ferme les yeux une fraction de seconde, essayant de rassembler mes pensées. Quand je les rouvre, elle est toujours là.
Pas une illusion.
Pas un rêve.
« Tu n’existes pas » je murmure, comme pour me convaincre moi-même.
—Et pourtant, je suis là.
Je déglutis difficilement.
—Pourquoi ?
Elle m’observe, l’ombre d’un sourire jouant sur son visage.
—Parce que tu refuses de voir la vérité.
Un vertige me saisit.
La vérité.
La liste.
Mon nom.
La fuite.
Un tourbillon de souvenirs incohérents me reviennent, une tempête qui me déchire l’esprit.
Je titube en arrière, la gorge nouée d’effroi.
—Qu’est-ce que j’ai fait ?
Un rictus se dessine sur son visage.
Elle avance d’un pas.
—Ce n’est pas ce que tu as fait. C’est ce qu’on t’a fait.
L’air me manque.
Je veux crier, mais aucun son ne sort de ma bouche.
Un bruit.
Un bip.
Puis un autre.
De plus en plus rapide.
Je vacille, mes jambes flanchent.
L’obscurité m’avale.
Et tout s’efface.
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