Manon.prn À tes souhaits Chapitre 11.3

Chapitre 11.3

Il rigole franchement avant de me répondre.


— Parce que trahir c'est une promesse de vivre plus longtemps. Je connais les secrets de tout le monde, je détiens tous pouvoirs. J'ai des alliés de partout. Et j'y retrouve mon compte.

— C'est quoi votre but ? Me tuer ?

— Tu as bien écouté ma conversation, non, l'autre nuit. Alors tu connais bien la réponse.


Alaric se tait un court instant avant de reprendre.


— C'est ça qui m'agace avec les femmes, c'est que vous posez les questions auxquelles vous avez déjà les réponses.


Je ne réplique rien bien que l'envie ne me manque pas. Il s'éloigne, mais quelqu'un le rattrape avant qu'il ne disparaisse dans le noir. J'entends des chuchotements et le retour du silence m'est insupportable. J'ai envie de sortir et le soleil au-dessus de ma tête s'évanouit lentement. Je redoute de me retrouver dans le noir entouré du silence.


— Ça suffit, tonne une voix inconnue.


Je m'éloigne de la paroi quand je remarque un trou s'y creuser, puis un homme s'y glisse. Je ne sais pas qui il est mais je reconnais rapidement ce regard. Les iris vert kaki qui m'ont mené ici. La panique me submerge telle un tsunami et je recule à toute vitesse avant de me plaquer contre la paroi. Sa fraîcheur me glace le dos tandis que l'homme s'avance lentement. Ses pas ne font aucun bruit à contrario de mes battements cardiaques. J'ai la désagréable impression que mon cœur va s'échapper de sa prison thoracique pour m'abandonner à mon sort.


— Je ne vais rien te faire, souffle enfin l'homme.


Ces simples mots devraient me rassurer, pourtant ils amplifient ma peur. Tout mon être se tend. Du regard, je cherche une issue mais avant que je ne me glisse ailleurs, une main frôle ma peau.


Tout s'éteint autour de moi.


Je crois perdre conscience, mais je ne suis pas sûre. Je suis dans un état second puisque je suis capable de penser. Le noir m'enveloppe, le silence forme une seconde couche autour de moi, plus aucune émotion ne me secoue. Seul le vide est présent. J'ai l'impression de flotter, mais c'est très court.


Je tombe. Soudainement, mon corps s'écroule contre une surface dure.


— Cache ce médaillon et profite de cette seconde chance avant qu'on ne te tue, me dit une voix.


Je n'ai pas ouvert les yeux que la pluie s'abat sur moi avec force. Cette maudite pluie. J'ai l'impression que ce monde est noyé par la pluie, que le soleil ne trouve pas sa place, que le bonheur est absent et que les menaces sont omniprésentes. Je suis au sol. Je soulève mes paupières avec difficulté pour observer ce qui m'entoure. Le sol est fait de dalles en pierre. La plupart sont brisées, fissurées ou carrément absentes. La terre se mêle à l'eau, créant ainsi de la boue. Je ne me lève pas de suite, n'ayant plus aucune force dans les membres. J'accueille le froid, l'eau et la honte avec un mélange de soulagement et de crainte.


Les bruits me percent les tympans. Les gouttes de pluie contre le sol ou les toits, le vent qui soupire dans mes cheveux, des oiseaux qui hurlent, des crépitements de bois. L'eau qui coule entre les dalles, le long des gouttières, au dos des façades, à mes pieds. J'écoute tout ça avec amour. Je porte mes doigts à mon cou pour enfouir mon collier sous ma robe, ou du moins ce qu'il reste de ma robe. Je me relève difficilement, je tangue dangereusement comme si j'étais sur la mer et m'accroche à une maison en la confondant avec ma bouée de sauvetage.


En levant le nez vers le ciel, les gouttes me lavent le visage et les cheveux. Je me sens sale. Je baisse la tête sur mon corps. Ma robe est tachée de sang, d'eau et d'huile. Je regarde mes paumes, elles sont brûlées et la pluie me fait du bien. Je soupire de soulagement. Je porte une main à mon estomac qui hurle famine et me demande si c'est une bonne idée de partir en quête de nourriture. Mon ventre ne me laisse pas le choix.


Je tourne la tête dans tous les sens, ne sachant pas où aller. Les rues sont désertes, des lampadaires illuminent la ville d'une lumière trop jaune. Tout est noir ou gris. Sur ma droite se trouve une grande rue, à ma gauche, pleins de petites ruelles et en face de moi, un large escalier de pierre menant sur des hauteurs. Je me souviens de la vision que j'avais eu lorsqu'on était au port : une grande ville tout en largeur et hauteur. Je me décide et m'engage dans l'escalier. L'ascension est difficile. Mes pieds sont capricieux, mes jambes cotonneuses et mon esprit vagabonds. Je ne suis pas concentrée et tombe plusieurs fois. J'espère que personne ne me regarde.

Je grimpe pendant un temps qui me semble infini. Je ne cesse de me demander où se trouve Hisham, où je me trouve. Je repousse les images de ces dernières heures pour me soigner comme je peux. Pourtant, je sais que la peur que j'ai vécue me poursuivra toute ma vie, tout mon voyage sur la rive de la vie. Je ne change pas d'avis pour autant. Je ne me plierais pas à la volonté de la Grande.


Je mets le pied sur la dernière marche pour me retrouver sur une grande place. La pluie ruisselle sur mon visage et s'immisce même sous ma robe. J'ai froid. Je tourne en rond à la recherche d'un bar ou même d'une maison ouverte. Mais il n'y a rien. Tous sont reclus chez eux. J'ai envie d'hurler, me sentant prise au piège. Je m'arrête finalement et m'assois au bord d'un fontaine qui déborde. La pluie s'abat sur ma tête, crache sur mon corps, piétine ma peau. J'attends sans savoir ce que j'attends. J'espère qu'on me regarde, qu'on viendra m'aider, qu'on me proposera un chocolat chaud, un café ou n'importe quoi. Même du poison le temps que ça m'apaise un peu. Je me prends la tête entre les mains, au bord des larmes en me faisant percuter par la solitude.


La pluie se calme et je me relève quelques instants plus tard. Je m'engage dans une rue au hasard et glisse plusieurs fois, mais toujours en me rattrapant. Le ciel s'assombrit mais ne pleure plus, à mon plus grand bonheur. Je suis trempée, mes cheveux portent un litre d'eau et ma robe est lourde d'eau. Je marche sans savoir où je vais, mes pas me portent vers l'inconnu.

La chance me sourit alors.


Une enseigne brille dans l'obscurité de la ville. Un café. Il m'appelle et je l'écoute. Je m'avance en accélérant le pas, ne prêtant pas attention à un potentiel danger. Lorsque j'atteins la porte, je m'immobilise, le cœur battant la chamade. Puis, j'entre dans le café. La chaleur me prend dans ses bras, les bruits me galvanisent et l'odeur d'alcool et de café me réconforte. J'ignore le monde qui m'entoure et avance. Mais je n'avance pas bien loin puisque je m'arrête aussitôt après trois pas. Des vingtaines de yeux sont tournés dans la direction, le silence a repris le dessus. Plus aucun verre ne s'entrechoque, aucun rire ne s'élève dans la salle. Seule la curiosité plane.

Une voix brise le silence et brise la sérénité au passage.


— Alors beauté, t'es perdue ? On peut t'aider si tu veux.

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