Fyctia

— Où étais-tu ?

La jeune femme haussa les épaules.

— Qu’est-ce que ça peut te faire ? De toute manière vous allez vous débarrasser de moi.

— Je n’ai jamais dit ça ! s’écria sa mère outrée.

— Non, mais papa l’a fait. Et on sait toutes les deux qui décide entre vous deux. Et on sait aussi toutes les deux que cela te soulagera d’être enfin libérée de ma folie.

— Ma puce, je n’ai jamais dit que tu étais folle, répondit-elle en prenant bien le soin de ne pas parler du fait que son père allait la chasser ou la tuer.

— Tu le penses tellement fort que tu n’as pas besoin de le dire.

La femme hésita avant de la laisser entrer et lui demanda :

— Est-ce que… est-ce que j’ai affaire à Eden ?

— Quelle importance ? répondit Dany sur la défensive.

— Mon bébé n’est pas aussi agressive habituellement…

— Je suis aussi censée être ton bébé, répondit la jeune femme avec agacement.

— Mais je ne vous connais pas tous… Le Docteur nous a un peu expliqué en quoi cela consistait, mais…

— Oh arrête, maman. Ne fais pas mine de vouloir chercher à nous comprendre. Nous te faisons peur. Ne me prends pas pour une idiote. Bon, je peux rentrer maintenant ? demanda Dany qui commençait à perdre patience.

— Tu les entends ? Les autres je veux dire… Tu entends Eden ?

— Oui, je l’entends, et elle n’a pas envie d’avoir affaire à toi. Tu l’as blessée.

— Et pas toi.

— Je suis plus forte qu’elle.

— Dis-moi comment tu t’appelles, s’il-te-plaît.

— Dany. C’est bon ? T’as terminé ton interrogatoire ?

— Oh oui, excuse-moi.

En rougissant, sa mère s’écarta de l’entrée pour la laisser passer. La jeune femme s’empressa d’aller prendre une douche pour nettoyer la sueur qui recouvrait son corps suite à son entraînement intensif, en profitant pour décontracter ses muscles sous l’eau bouillante.

Dès qu’elle eut fini, elle vérifia où se trouvaient ses parents et les deux étaient dans la cuisine. Elle en profita pour retourner à la cache d’armes et, avec discrétion, elle parvint à en retirer un pistolet. Il ferait son affaire. Elle regarda s’il était bien chargé, puis partit le cacher dans sa chambre. Ce serait la dernière fois que Herbert les visiterait la nuit, elle en fit la promesse à tous ses alters.

“Tu ne peux pas le tuer !” intervint Eden avec effroi.

“Je vais me gêner !” ricana Dany.

Habillée avec un pyjama noir en soie, la jeune femme se rendit dans la cuisine, prête à mettre la table. La nourriture qui chauffait sur la cuisinière sentait divinement bon. Le dernier repas du condamné ? Elle se demandait ce qu’avaient bien pu prévoir ces deux malades en son absence. Mais qu’importe, elle avait son propre plan. Ne restait plus qu’à le mettre en application.

Il régnait un calme de mort lorsque sa mère lui servit un plat de nouilles avec une viande non identifiée. Il fallait dire qu’il était extrêmement difficile de se procurer de la viande puisqu’il restait peu d’animaux. Et c’était encore plus dur de les identifier car avec les armes nucléaires et les essais d’AnimalZ il y avait eu la création de nouvelles espèces. Des passeurs en vendaient à la sauvette, sinon la viande était destinée aux hauts dignitaires.

— On fête quelque chose de spécial ? demanda Dany. Mon TDI peut-être ?

— Arrêtes de dire des bêtises, persifla Herbert.

— Nous voulions juste récompenser les efforts que tu as fourni chez le psychiatre, intervint Daphnée pour éviter une énième dispute.

— Ou alors vous avez trouvé comment vous alliez vous débarrasser de moi.

Et, sans qu’elle n’ait eu le temps de rien contrôler, elle switcha. Elle poussa un petit cri efféminé avant de faire un mouvement de poignet.

— Oh my god ! De la viande ! Ça a l’air succulent, m’an ! s’exclama Gale.

Son père était en train de trembler de rage.

— Peu importe ce que ce médecin de malheur a dit, je n’y crois pas. Je sais que tu es folle…

— Fou, intervint le jeune homme d’une voix rauque mais efféminée à outrance.

— Quoi ? demanda Herbert décontenancé.

— Je m’appelle Gale et je suis un garçon. Donc on dit fou.

Le jeune homme ressemblait à un maître d’école qui apprenait une leçon à un enfant.

— Je ne rentrerai pas dans tes petits jeux pervers Eden, poursuivit son père. Tu t’es jouée de ce psychiatre et même de ta mère, mais tu ne m’auras pas moi. Je suis loin d’être idiot.

— Ah bon ? demanda Gale l’air de rien. Tu fais bien semblant dans ce cas.

Le visage du géniteur devint rouge de colère et ses mains tremblaient de plus en plus fort.

— Arrête ça, Eden.

— Ou sinon quoi ? Tu vas me frapper, encore ? Tu n’as pas compris que ça ne servait à rien. La seule que tu parviens à traumatiser c’est Eden. Bon d’accord, moi aussi un peu. Mais là j’aimerais juste passer un bon petit repas en famille. Ça m’avait manqué. Les autres ne me laissent pas souvent être là en votre présence.

Herbert tapa du poing sur la table.

— Je t’ai dit d’arrêter de jouer !

— Ohlala… C’est bon, je m’en vais.

Il prit néanmoins une dernière bouchée de son plat avant de faire un clin d’œil à sa mère.

— Succulent !

Et il switcha de nouveau. Cette fois le visage de la jeune femme se durcit avec férocité. Le nouvel alter mangea quelques coups de fourchette dans le silence et sous le regard lourd des deux parents. Néanmoins, il les ignora. Ce ne fut que lorsqu’il eut fini qu’il croisa les bras sur sa poitrine et les foudroya du regard.

— Si vous comptez m’intimider, je vous souhaite bien de la chance, leur dit Devon.