Catecholamine ☾ A la lumière d'un jour nouveau Nour (2)

Nour (2)

Son appartement était glacé de son absence de la veille. Nour avait marché tellement vite pour arriver chez elle qu’elle en avait presque le souffle coupé une fois à destination. Elle se débarrassa de son manteau et de ses gants et rangea ses chaussures, puis déposa son sac sur le bureau et en sortit l’enveloppe. Ses doigts tremblaient en la tenant, elle se disait qu’elle espérait qu’il ne se rende pas compte de l’absence de celle-ci mais, en même temps, elle avait envie qu’il s’en rende compte. Elle avait envie qu’il sache qu’elle savait.

Elle était partie précipitamment sans le réveiller. C’était la première fois qu’elle lui faisait ça. Elle en avait presque l’impression d’être revenue au temps des coups d’un soir, où elle s’évertuait à éviter comme la peste les lendemain de re-présentation à ces mecs qui ne l’intéressaient strictement pas, mais qui grelotaient à l’idée qu’elle puisse s’attacher à eux.

La lettre avait été tapée à l’ordinateur mais signée à la main et était plutôt dense. Elle n’était pas datée, mais le timbre de l’enveloppe avait été estampillé il y a environ six semaines.

Elle relut :


« Mathieu,

C’est toujours difficile de retenir une personne qu’on aime quand elle veut partir pour être heureuse. Pourquoi te retiendrais-je alors que j’ai tout fait pour que tu t’éloignes de moi ? Je n’ai pas su t’aimer au bon moment, c’est vrai, mais j’ai toujours été honnête. Je pensais qu’on tombait amoureux sur un coup de foudre mais tu m’as prouvé le contraire. On tombe amoureux d’une âme progressivement et souvent pas au bon moment…

J’ai beaucoup trop de fois essayé de me convaincre que non, je ne pouvais pas m’autoriser à aimer, parce que je ne savais pas comment faire, parce que je ne savais pas aimer comme il fallait, parce que je pensais que ce n’était pas fait pour moi, et surtout parce que j’avais peur. Peur de donner à quelqu’un l’opportunité de me blesser. Je sais que ça peut paraître étrange, mais d’une certaine manière je voulais me punir d’avoir été autant de temps avec une personne qui ne m’aimait pas et donc je ne voyais pas ce qui me parait évident maintenant. Toi.

Je ne veux pas me trouver d’excuses, bien au contraire, je n’ai pas su réagir comme il fallait et je suis consciente que je t’ai fait beaucoup de mal. Et maintenant que j’ai dû être spectatrice de toi entrain de t’éloigner pour aimer, je me suis dit que ça serait trop dur.

Tu es devenu indispensable. J’aurais aimé passer du temps avec toi, te voir, te toucher à ce moment précis parce que je suis persuadée que tu es la personne qu’il me faut. Oui, j’ai mis du temps à le comprendre. Tu as une manière toute particulière de me regarder, de me parler, de me faire rire qui me touche profondément… Laisse moi te dire que je suis tombée amoureuse de toi, doucement mais intensément. Pour ta manière d’être, ton intelligence d’esprit, ton humour, ta voix, ta manière de me voir aussi, ton regard. Un tout. Même pour tes idées un peu tordues pour lesquelles j’ai déjà envie de te sauter dessus et de te frapper avec un oreiller.

Bref. Je suis attirée par toi, Mathieu, de manière inexplicable. J’ai essayé de luter contre cela, mais parfois ça ne sert à rien de se battre contre quelque chose d’évident. Je suis sûre que la vie ne t’a pas mis sur mon chemin au hasard. Je sais qu’il ne faut pas que je te retienne, parce que si c’est ce que tu veux, je ne peux plus rien faire. Mais si l’on doit se retrouver, on se retrouvera. A plusieurs reprises malgré le temps qui est passé depuis nos 3 ans, la vie nous a fait recroiser nos chemins. Alors j’espère vraiment qu’elle ne s’arrêtera pas maintenant.

Mais si ton choix est de partir, ce que j’accepterai parce que je ne veux que ton bonheur même si ça me rend malheureuse, je voulais te remercier, pour toutes ces belles années à tes côtés.

J’espère que ce ne sont pas les derniers mots que je t’adresse, et que tu ne me détestes pas, parce que je n’ai jamais voulu te faire du mal, ni jouer avec ton petit cœur.

Je veux que tu saches que je pense à toi chaque jour, et que j’espère que tu sauras me pardonner et revenir vers moi.

Je n’écris pas aussi bien que ce réalisateur, mais c’est ce que j’aimerais que tu retiennes : Je jure de t’aimer comme un fou, et ce à tout moment, exactement tel que tu es. Je fais le serment de ne jamais oublier que c’est un amour qu’on ne rencontre qu’une fois dans une vie et de toujours savoir au plus profond de mon âme que quelques soient les montagnes qui pourraient peut-être nous séparer, nous saurons retrouver le chemin qui nous mène à l’autre.

Aude. »


Nour fit quelques pas, tremblante, avant de se laisser tomber dans son lit. Il faisait si froid dorénavant qu’elle ne sentait rien d’autre que des fourmis dans ses membres.

Elle n’était pas sûre de la façon d’interpréter cette lettre. Elle comprenait que l’histoire de Aude et Mathieu était une longue, longue histoire. Qu’ils se connaissaient tous les deux depuis pratiquement toujours. Qu’ils avaient probablement grandis en se tournant autour. Qu’ils avaient probablement tenté une relation à plusieurs reprises.

Mais elle comprenait surtout que Aude avait toujours été celle qui le repoussait. Elle était l’indécise des deux, Mathieu s’y pliait.

Jusqu’à aujourd’hui.

Aujourd’hui, c’est Mathieu qui s’en est allé de lui même avec une autre. Nour se rendait compte qu’en réalité c’était elle, l’autre. Elle n’était pas la femme trompée. Elle était l’autre. Comment ne pas arriver à voir ici la raison pour laquelle il avait si facilement fauté ? Elle était l’élément perturbateur d’un film d’amour.

Aujourd’hui, c’était Aude qui essayait de croire en leur vieille histoire. Peut-être que Mathieu n’y voyait pas encore clair. Peut-être qu’il finirait lui aussi par se rendre compte que quelque chose semblait les lier tous les deux de manière inexorable.

A chacun de ses battements de cœur, Nour le sentait se briser en davantage de petits morceaux. Elle se voilait la face, encore une fois. Elle croyait aveuglément les paroles de Mathieu de la veille alors que lui-même ne savait pas où il en était…

Les larmes de Nour coulaient en silence. Elle était à bout. Elle en avait marre de sa propre faiblesse, de sa lenteur à la détente. Elle sortit son portable de la poche de son jean et l’éteignit. Elle ne voulait être jointe par personne.

Après une longue expiration, elle se leva, prit quelques fringues dans son armoire, attrapa sa trousse de toilette dans la salle de bain et fourra le tout dans son sac. Le regard terne, elle fixa son reflet dans la glace de l’entrée avant de machinalement entourer son cou de son épaisse écharpe. Elle mit finalement son manteau et sortit de chez elle en claquant la porte.

Elle ne voulait pas risquer de céder à nouveau à Mathieu en restant chez elle.

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4 commentaires

Mymy M. *Sakuramymy*

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Il y a 7 ans

Très belle la.lettre magnifiquement bien écrit tu as decrit l amour que ressent Aude pour Mathieu et au fait ca me fait meme de la peine qu ils ne soient pas ensemble xD

John Ross

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Il y a 7 ans

La lettre est belle et forte (narrativement, c'est parfait), mais elle va faire mal, et dans tous les sens du terme. Aude prend de la consistance et n'est plus la fille d'un soir, bien au contraire. Miam !

Catecholamine ☾

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Il y a 7 ans

Merci pour ton passage !!

Caro Handon

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Il y a 7 ans

Eh bien c'est un triangle amoureux bien complexe! Et je trouve ça très intéressant que ce soit un garçon au milieu de deux filles, ça me change de ce que j'ai pu lire jusqu'à maintenant :) Je suis toujours un peu perturbée par la troisième personne mais rien à voir avec ton écriture :) Je continuerai ma lecture demain et avec grand plaisir ;)
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