Fyctia
Les silhouettes de cendre.
— Rachel, fondamentalement, la mort ne représente rien d’important. C’est un concept, une vision étriquée et déformée de votre réalité. Elle est incluse dans le rythme de la vie, elle est sa forme en devenir si tu préfères. Son corps physique pourra succomber certes, mais sa personnalité continuera à évoluer dans l’un des mondes blanc et lumineux dont tu as appréhendé l’un d’entre eux l’autre nuit.
— Mais que va-t-il se passer, Kāchān ?
— C’est Kouban qui gère cette probabilité.
Un autre Émissaire approche, il prend la parole tout en manipulant des énergies de lumières qui prennent forme et se déforment constamment en quatre dimensions pour finir par devenir une image cohérente. Elle met en scènes deux hommes en train de converser. Je les reconnais, ce sont Yves le chauffeur du mini bus et Raphaël le vendeur de pommes d’amour.
*
— Raphaël, j’aimerais te présenter à mes amis, mais tu devras cesser tes actes imbéciles. Ils ne le toléreront pas. Est-ce que tu comprends ?
— Mais en quoi cela pourrait-il gêner tes amis ?
— Ils ne souhaitent pas se faire remarquer. Écoute, je fais partie d’une confrérie d’hommes et de femmes, la confrérie du Dragon Noir, c’est mystique, c’est délirant, si tu savais. As-tu déjà entendu parler de disparitions de jeunes filles ?
— Non, pas spécialement.
— Nous les capturons pour les sacrifier et les immoler à notre divinité, elles sont toutes à nous mon frère, nous en faisons ce qu’il nous plait, puis nous les éviscérons à vif ! C’est magique. Si tu savais le plaisir que cela procure, ces idiotes hurlent de désespoir, elles pleurent, se lamentent, appellent leurs parents ! C’est bon de les baiser puis de leur ouvrir ensuite le ventre.
— Que me racontes-tu là ? Mais tu m’intéresses.
Les deux hommes sont ravis et s’esclaffent se tapant sur l’épaule d’un geste amical.
— Moi, je veux bien en être si je baise de la jeune biche !
— Oui, mais il faut que tu arrêtes tes conneries avec les enfants.
— Mais c’est si bon de les caresser puis d’abuser d’eux. Ensuite, je leur écrase le crâne avec une grosse pierre.
— T’es plus fou que moi, mon frère.
Ils s’esclaffent à nouveau.
— Non, mais je suis sérieux Raf, tu dois pouvoir te contrôler, sinon, ils ne te le pardonneront pas.
— Mais je n’aurais plus jamais le plaisir de me faire un petit garçon ou une petite fille ?
— Fais tes preuves, enlève de belles nymphes, ensuite nous verrons, le grand Maître pourra de temps en temps te laisser faire.
*
L’image se dissout entre les mains de Kouban.
— Voilà, tu sais maintenant. Il s’appelle Raphaël Charma, il est l’odieux tueur d’enfants du Pas-de-Calais. Il assouvit ses instincts les plus obscènes en enlevant de jeunes enfants, qu’il torture et qu’il viole. Il a à son actif la mort de 37 d’entre eux. Votre police n’a jamais pu lui mettre la main dessus, car il était mobile, il se déplaçait fréquemment à travers les Territoire du Nord de votre pays. Il a commencé à commettre ces actes odieux à partir de votre année 1945. Il a généré énormément de douleurs psychologiques chez ces enfants, mais aussi chez leurs familles. Le maire de la cité où vous enquêtez, monsieur Louvain connaît ce personnage, il est informé des souffrances qu’il inflige à ces êtres, il le protège depuis qu’il a été intégré dans la terrible légion des êtres noirs de la Nécropole. Il a recommencé par deux fois, mais sous le contrôle des membres du Dragon Noir. Un petit humain de 8 ans qui a subi d’atroces sévices, il a succombé sous la torture au bord d’une rivière et une petite humaine de 11 ans deux années de votre temps plus tard. Elle a supporté d’infâmes actes de souffrance, il l’a enterrée alors agonisante, mais encore vivante dans une forêt de votre comté au pied d’un grand chêne. Ces actes odieux sont couverts par l’humain commandant Dufour. Il est le responsable des enlèvements des jeunes humaines qui répondent au nom de Domingos et Gervais.
— Mais c’est abominable, et vous n’intervenez pas ?
— Ce n’est pas notre rôle, nous devons vous laisser le libre arbitre. Nous prenons en compte la haute créativité de cet individu dans le domaine de la souffrance provoquée. De toute façon, son sort est scellé depuis de nombreuses années de votre temps.
— Mais et Liotta ?
— Il doit assouvir son profond désir de dégénérescence morbide, c’est un cas de personnalité cruelle intéressant.
— Oui, mais… et Liotta ! Je ne laisserai pas faire, Kouban ! Sois-en assuré.
Kāchān reprend la parole pendant que d’autres Seigneurs Noirs s’interrompent dans leurs activités, attirés par notre conversation.
— Rachel, tu ne dois pas te faire distraire par d’autres préoccupations que ta mission. Il est impératif que tu te rendes au Manoir avant l’érection du labyrinthe, c’est vital. Nous devons nous emparer de toute cette clique de séditieux.
— Kāchān, je te supplie de me rendre ma configuration de Sœur Damnée, juste un moment, le temps d’aider la petite Liotta, puis j’en fais le serment, j’accomplirai mon destin.
— Tu auras une heure du temps des humains. Ce temps passé, tu reprendras ta forme humaine et tu devras te rendre au Manoir pour accomplir ton devoir.
— Oui, j’en fais le serment.
— Souviens-toi Rachel de ce que je t’ai dit, si tu n’y parviens pas nous annulerons la probabilité de cette réalité adjacente, ainsi, vous disparaîtrez pour échouer dans le néant du temps fixe, celui de la boucle des événements répétitifs sans fin.
— J’en suis consciente Kāchān.
— Alors, va maintenant. Nous demeurons prés de toi.
— Oui, mais pour quelle raison cherches-tu encore à me rassurer ?
— Il y aura un instant de votre temps pendant le défilé des événements où tu croiras être seule, tu n’es jamais seule, nous sommes là et partout.
— Oui Kāchān. Je n’ai pas peur, il n’est nullement nécessaire de me réconforter.
— Rachel face à la Créature Noire de la Nécropole tu auras peur, car c’est le venin psychique qu’il diffuse pour dissoudre ta personnalité qui générera un désespoir profond. Part maintenant, c’est le moment de ton temps qui est arrivé.
Je me hisse sur le tabernacle, puis je m’allonge sur un matelas de lumière chaude. L’immense dôme se dilue, la vision des Émissaires s’effrite, des morceaux de leur image se détachent pour se perdre dans l’absolu.
La chambre reprend doucement et silencieusement sa forme, ma tête est posée sur le torse de Karl. Je regarde son visage apaisé et ses yeux clos, je m’en détache doucement. Je m’approche de la fenêtre, il est midi pile sur ma montre, pourtant il fait une nuit d’encre. Dehors, une nuée de cendres tombe en tournoyant sur elle-même pour déposer sur le sol, une épaisse couche qui recouvre toute la ville. Des lampadaires scintillent, certains clignotent, d’autres grésillent, certaines ampoules éclatent. J’aperçois au loin, de l’autre côté de la place des silhouettes qui prennent forme à partir de l’épaisse couche de cendre…
17 commentaires
Sand Canavaggia
-
Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
-
Il y a 4 ans
Véronique Rivat
-
Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
-
Il y a 4 ans