Fyctia
Les landes marécageuses.
Cette histoire d’amour est impossible. Je retire brusquement ma main, pour la poser sur ma cuisse, à quoi bon tout ça, putain. J’ai oublié mon devoir à l’égard des Émissaires et de mes sœurs. Je l’ai négligé un tout petit instant, le temps furtif d’un baiser, dans l'intervalle d'un espoir. Mes larmes inondent mes joues, elles noient tous mes espoirs, elles m'arrachent à toi. Je me demande Karl si tu te souviendras encore de moi lorsque je pourrirai dans ma solitude. J’ai peur, oui peur de te perdre, je suis attiré vers ton regard, vers ton âme, vers ta lumière. Oh mon Dieu ! Karl, j’ai tant besoin de toi, de tes bras, de ta voix, moi aussi je suis tombée prisonnière, brûlée par ton regard de braise, je me suis perdue dans l'oubli de mon devoir.
Ce n’est pas juste Kāchān, le conseil le savait, il l’avait vu, il maîtrise les événements et toutes les probabilités. Je me sens seule et perdue, j’aurais aimé te consoler de ton ex, Annie, pour que tu ne sois plus jamais triste et que tu n’aies plus jamais de méfiance à l'égard des femmes.
— Qu’as-tu Rachel ? Tu pleures ma chérie ?
Il m’a appelée sa chérie ? De sa bouche, c'est du velours pour mon cœur. Ne m’abandonne pas pendant les dernières heures qu’il nous reste à partager. Je sais, je ne vais te faire aucune promesse, mais je donnerais tout ce que j'ai pour avoir un moment avec toi. Un instant à tes côtés.
— Je vais m’arrêter sur le bord de la route, tu vas m’expliquer ce qui ne va pas. Mon sang se glace, que va-t-il me demander ? Que vais-je lui répondre ? Que je l'aime ? Que j'ai besoin de lui ?
Karl se gare sur le bas-côté du chemin et tire le frein à main.
— Rachel...
Je n'ose le regarder, je fixe l'étang noirci et l'épaisse nuée crasseuse qui tournoient au loin.
— Rachel ? Regarde-moi.
Sa main s’est emparée de mon menton qu’elle pivote doucement vers lui. Je ferme les paupières pour ne pas qu’il voie mes larmes, mais elles coulent le long de mes joues, ce n’est pas gagné. Je n’ose croiser son regard.
— Rachel, j’ai fait quelque chose qui t’a déplu, je suis parfois maladroit, il y a longtemps que je n’ai pas tenu une femme dans les bras, alors il se peut, enfin, il est possible que…
Je lui fais non de la tête tout en reniflant.
— Attends donc, j’ai un mouchoir, tiens, ton nez coule. Mais comment un si joli visage, avec des yeux d’ange, peuvent-ils être si tristes ? Approche, viens poser ta tête sur mon épaule, détends-toi ma belle, tu as été remuée ces derniers jours, tu dors mal, je t’entends, nos lits sont juste séparés par une mince cloison. J'aimerais t'aider, soulager tes souffrances. Je sais que je ne sais pas tout de ta vie, mais peut-être un jour, qui sait, tu te confieras à moi.
Puis il cesse de parler, nous regardons en silence la pluie noire tomber sur le pare-brise et autour de nous. Quel endroit étrange, ici, il n'y a pas un oiseau, pas un animal, pas un seul humain. C'est un silence de mort, juste ponctué par le claquement des gouttes lourdes et épaisses qui s'écrasent sur la voiture.
— Tu sais Rachel, enfant, je me cachais pour contempler l'orage, ma mère me cherchait et devenait folle d’inquiétude. C'était dans la ferme de mes grands-parents, nous vivions chez eux, mon père était mort alors que je n'étais qu'un jeune enfant. J'étais fasciné par les orages. Aujourd’hui pour la première fois, je suis inquiet, quelque chose ne tourne pas rond. Nous n'avons jamais vu de tels phénomènes, l'usine de caoutchouc n'a rien à avoir avec cette précipitation crasseuse, ce ciel tourmenté par des nuages opaques et turbulents. Si j'étais superstitieux et que je touchais aux arts divinatoires comme ma mère et ma grand-mère, je penserais que ce que je vois est étrangement inapproprié.
— Inapproprié ?
— Oui surnaturel, tu comprends ? Et puis, il y a plus que ce que l'on voit, il y a cette ambiance pesante, inquiétante, déprimante.
— Un autre monde Karl ?
— Oui, Rachel, un monde d'apocalypse, un monde de chaos, quelque chose de noir. Tu comprends ?
— Oui Karl, je comprends, un monde noir.
— Oui, c'est cela. Si je laissais voyager mon imagination, c'est ce que je pourrais penser.
— Je crois Karl, que d'ici peu, tu n'auras pas besoin de faire marcher ton imagination.
— Cela me fait penser à notre intervention demain soir au manoir, tu sais que nous n'avons que notre automatique et deux chargeurs en réserve. Ah ! Aussi mon fusil à pompe, je l'avais oublié celui-là.
— Demain soir pour ce genre de mission, nous n'aurons pas besoin d'armes Karl.
— Comment, nous n’aurons pas besoin d’armes que me racontes-tu là ?
— Tu veux que je te dise ? J’aurais préféré que ça se règle avec des armes, mais hélas, ceux que nous devrons interpeller, ne sont pas des gens ordinaires.
— Que veux-tu dire par là ?
— Tu dois changer de perspective, la réalité n'est pas toujours celle que l'on voit. Tant que tu resteras dans le même angle, tu percevras les mêmes éléments.
Je me penche, j'offre mes lèvres à demi ouvertes comme un fruit moelleux, délicat à sa bouche chaude et à l'haleine masculine. C'est un baiser tendre et passionné qui se pose sur ma bouche abandonnée et ma langue s'offre à la sienne. Notre baiser devient plus fougueux, notre respiration s’accélère, notre souffle monte en pression, l'excitation gagne tout mon corps. Je me pose sur mes genoux, je le pousse contre sa portière, le volant me gêne, je sors sa chemise de son pantalon. Mes mains promènent sur sa poitrine en passant sous sa chemise, je m’emballe, je l’arrache, les boutons sautent les uns après les autres. Je m’attaque à sa ceinture que je détache puis je déboutonne son pantalon, ses mains ont déjà conquis mon soutien-gorge, elles effleurent le bout de mes seins. Mais nous sommes interrompus par un véhicule de gendarmerie. Je me rhabille rapidement, je remets mon soutien-gorge qui est remonté jusqu'à mon cou. Je redescends mon pull-over, Karl s’embraille rapidement. Fort heureusement, la buée qui a envahi toutes les fenêtres n’a pas permis de voir ce que nous faisions. Nous, nous avions aperçu le gyrophare. Karl baisse la vitre, le gendarme fait de même.
— Bonsoir Monsieur, ah inspecteur ! Je ne savais pas que c’était vous. Je ne connaissais pas votre véhicule. Vous me reconnaissez, brigadier Dromard, c’est moi qui vous ai accueillis le premier soir lorsque vous êtes arrivés au bureau.
— Ah oui, je me souviens très bien de vous. C’est vous, la panne d’électricité, enfin je veux dire c’est vous qui m’avez prêté une torche.
— C’est ça, c’est tout à fait exact. Eh alors, que faites-vous dans cet endroit perdu ?
— Nous nous sommes rendus chez lez Domingos, vous savez la maison en pierre. Et nous nous sommes égarés, alors je me suis arrêté pour étudier la carte.
— Avec ce phénomène météorologique et la nuit de surcroît ! Si vous ne connaissez pas la région, c’est pas évident. Attendez, je vais faire demi-tour et vous allez me suivre.
— Non, mais c’est pas la peine brigadier, je vais me débrouiller tout seul, enfin avec mon équipière.
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Léoneplomb
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans
Véronique Rivat
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Il y a 4 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
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Gottesmann Pascal
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Lyaminh
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Lyaminh
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Jean-Marc-Nicolas.G
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Jean-Marc-Nicolas.G
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Il y a 4 ans