Jean-Marc-Nicolas.G À la découverte des Anachorètes. Nous sommes informés.

Nous sommes informés.

Tout à coup, je reviens à moi, je sens une petite main tirer mon imper. Je me réveille. Ma bouche quitte la tienne Karl. Tu es drôle, tout mou, il y a de l’électricité dans ton regard, on croirait que tu as pris un flash lumineux en plein dans les yeux.


— Coucou Rachel !

— Ma puce ! Tu es là ? Mais quelle heure est-il ?

— Il est cinq heures Rachel.

— Oh, mais quel beau bandana tu as là, c’est un joli rose.

— Je ne l’aime pas, moi, je préfère le tien noir à petits pois blancs, il est magnifique.

— Eh bien, alors, tiens, je t’en fais cadeau… allez tiens, prend, il est à toi.

— Tu as de beaux cheveux Rachel.

— Mais toi aussi Liotta, et ce noir et pois blancs te va à ravir, tu as désormais un bandana de grande personne.


Nous marchons sur le trottoir tout en bavardant, à dix pas de nous stationne un fourgon noir, un Peugeot, son haillon latéral relevé. Quelques enfants et leurs parents sont attroupés, Liotta ralentit, elle regarde. Un bras se tend pour donner des pommes d’amour dont les parents se saisissent pour les donner à leurs enfants.


— Tu veux une pomme d’amour Liotta.


Elle me fait un signe de la tête sans un mot pour me signifier un refus.


— Mais il ne faut pas que tu sois timide comme ça, tu sais, qui se gêne devient bossu. Allez, suis-moi. Tatie Rachel va s’en prendre une aussi. Quand j’étais petite comme toi ma maman n’avait pas beaucoup d’argent, notre unique plaisir à la sortie de l’école était cette pomme d’amour.


Nous arrivons à la hauteur du fourgon, le vendeur regarde Liotta.


— Bonjour Liotta, alors ? Que veux-tu aujourd’hui ?


L’homme ne nous a pas encore porté son attention.


— Donnez-nous deux pommes d’amour, Monsieur.


Il me regarde, enfin ! Sa manche trop courte se rétracte légèrement lorsqu’il tend son bras pour nous présenter les pommes d’amour. Je regarde Liotta, son visage s’est transfiguré, la peur la saisit, elle est blême, comme paralysée. J’aperçois le début d’un tatouage de couleur noire avec des pattes griffues, Karl se saisit de l’avant-bras du type. L’homme surpris reste figé, je sors ma carte de police pour la lui présenter.


— Police criminelle Monsieur, veuillez retrousser votre manche.


L’homme saisi ne dit mot et il s’exécute, un dragon noir se découvre.

Karl tient toujours fermement le poignet du type. Il fait pivoter son avant-bras.


— Un souvenir de jeunesse, lorsque j’étais dans la marine.

— Ah bon ? Parce qu’il est de notoriété publique que les marins se font tatouer un magnifique dragon noir.

— Bein quoi inspecteur, j’ai encore le droit de faire tatouer ce qui me plait sur ma peau, vous n’allez pas m’arrêter pour cela tout de même. Et puis lâchez-moi putain ! Vous me faites mal.

— Lâche-le, Karl.

— Non, mais ça va pas, vous êtes des malades !

— C’est vous le Raphaël ?

— Oui m’dam, et alors ?

— Non rien.

— Moi, je suis gentil avec la petite Liotta. Hein petite, dis-leur toi que je suis gentil, dis-leur !


Son regard s’assombrit, ses yeux rougissent, sa peau s’altère, son visage se déforme. Je regarde Karl, il ne perçoit rien, mais Liotta écarquille les yeux, la frayeur la paralyse, elle cherche à mieux respirer. Les passants ne distinguent pas non plus la transformation, ils le saluent, lui disent « bonsoir Raphaël ». Putain Liotta les distingue ! Par quel phénomène ? Je détourne la petite de cette vision sordide. Elle appuie son visage contre mon ventre et accroche ses mains à mon imperméable.


— Je tiens à vous régler les deux pommes d’amour Monsieur. Vous ne devrez plus jamais être gentil avec Liotta.

— Comment, je ne comprends pas ?


Ses lèvres ont disparu, elles laissent apparaître des dents pourries, son visage s’est déchiré. Il ne représente plus qu’une image grotesque et déformée du type, des scarifications se dessinent, l’une d’entre elles traverse l’œil droit, le déformant et créant une forme de bulle de glaucome blanchâtre.


— Si vous comprenez Monsieur, lui répond Karl, si je vous surprends à rôder dans les alentours de la maison des Domingos, je vous rosserais si fort qu’il ne vous restera plus une dent pour mâcher, vous mangerez à la paille jusqu’à la fin de votre vie.

— Ah, je vois, tu as parlé petite ?


Liotta fait non de la tête sans le regarder, mais en serrant de plus belle mon imper.


— À parler de quoi salopard ?


Karl, l’a saisi par le col et le tire par-dessus le présentoir, le type fait un vol plané et s’écrase sur le trottoir. Karl le ressaisit par le col et le relève pour le soulever hors du sol. Le type a du mal à respirer, mais je ne perçois que son image profonde de l’être qu’il est. Il recrache de la salive noire, une forme de bave collante. Liotta s’est retournée pour voir la scène. J’observe le regard du type se fixer sur la petite, je connais ce regard, il veut dire, tu ne perds rien pour attendre. Tout à coup, nous entendons le Maire et plusieurs personnes accourir vers nous et nous intimer l’ordre de le lâcher. Karl s’exécute, le type s’écrase à terre.

Les gendarmes se précipitent également pour voir ce qu’il se passe. Ils pensent qu’il s’est produit une dispute qui a mal tourné comme il s’en produit souvent à la sortie du bar entre des gars éméchés.


— Que se passe-t-il ici ?


Karl regarde de travers le type sans dire un mot, je réponds quelque chose :


— Ce n’est rien brigadier, juste un malentendu, n’est-ce pas Monsieur le dragon noir ?


Une surprise se dessine sur le visage du maire et de ses deux acolytes de tout à l’heure. Ils viennent de réaliser que nous sommes informés de quelque chose de pas très bon pour eux. Ils se regardent, je vois un malaise, mais le Maire se reprend :


— Mais vous êtes complètement fou, Monsieur, violenter ce pauvre Raphaël qui ne fait jamais de mal à personne. Mais que vous a-t-il pris ?


Nous nous éloignons, je dis à la foule de dégager, il n’y a rien à voir.


— Alors Karl ? Tu comprends maintenant ? La petite était saisie de peur.


Karl s’accroupit et prend Liotta par les épaules, il la regarde fixement :


— Liotta, tu connais cet homme ?


Elle incline sa tête pour dire un oui muet, les lèvres serrées.


— Il t’a fait déjà du mal ?


Elle répond toujours de la tête pour dire non.


— Mais alors pour quelle raison as-tu si peur de lui ?

— C’est lui qui venait toutes les nuits pour nous faire peur, c’est pour cela que nous avons demandé à papa de retirer la crémone. Il nous grimaçait à travers les vitres et puis un jour, ma grande sœur a disparu, mais moi, je l’ai vu l’enlever, lui, a vu que je l’ai vu. Il est revenu sur ses pas et m’a dit que si je parlais, il m’enlèverait comme ma sœur. C’est un monstre, vous savez ?

— Oui ma belle, je te le confirme, c’est un monstre.

— Non, mais je veux dire un vrai, il est tout défiguré, vous ne l’avez pas vu comme moi tout à l’heure ?

— Mais non, ma chérie qu’est-ce que tu racontes, les monstres comme tu me dis, n’existent pas. C’est ta grosse peur qui déforme ta perception, vois-tu ?


Karl se relève et me dit à voix basse…

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20 commentaires

Léoneplomb

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Il y a 4 ans

Raphaël avec son tatouage de dragon noir. Celui qui venait faire peur la nuit à Liotta (et sa sœur) et qui a menacé de l'enlever si elle parlait. Elle l'a vu sous les traits d'un monstre comme Rachel le voit. Cela veut dire quoi ?

Véronique Rivat

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Il y a 4 ans

Raphael est démasqué, le maire nest pas dans le savoir et cette petite lita qui m'émeut ! Beaucoup d'émotions se chevauchent dans ce chapitre ! Bravo !

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Et on s'enfonce de plus belle dans cette enquête doublée d'un monde de folie. Bises

Gottesmann Pascal

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Il y a 4 ans

La petite a apparemment reconnu l'homme, ou l'un des hommes, qui enlève les jeunes femmes et que, dans sa frayeur, elle avait transformé en monstre de cauchemar. Si elle dit vrai c'est un immense pas dans l'enquête pour Karl et Rachel.

Jean-Marc-Nicolas.G

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Il y a 4 ans

Bonsoir Pascal, eh oui, la petite Liotta les perçois mais ce n'est qu'un passage, le temps que le monde noir ne passe par là.
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