Candace Lovely À deux sous la Neige L’iceberg humain 5

L’iceberg humain 5

En manœuvrant Robert dans les rues encombrées du 91, je me forçai à respirer malgré la frustration qui me rongeait les nerfs. Je ne pouvais pas le laisser m'atteindre. La vérité, c'est que je n’étais pas rancunière. Bien sûr, il m'arrivait de me mettre en colère, par exemple lorsque quelqu'un me dépassait dans le métro ou lorsque on me manquait de respect. Mais au bout d'une minute ou deux, je m'en débarrassais et passais à autre chose. Cependant, je n'étais pas de ceux qui gardaient chaque affront et chaque insulte classés et rangés avec soin, pour les ressortir plus tard comme une sorte d'arsenal émotionnel. Je n'en voyais pas l'intérêt. La vie était trop courte, et cela demandait beaucoup trop d'efforts. Je ne pouvais pas imaginer vivre comme ça.


Sauf que... s'il y avait bien une personne capable de tester ma philosophie anti-rancune, elle était assise juste à côté de moi. C'était un miracle que je ne me sois pas encore arrêté pour le jeter sur le trottoir et l’abandonner à sa chance.


Mais non, je n'étais pas ce genre de personne. Je pouvais supporter un responsable logistique grincheux et allergique à l'esprit de Noël. Je devais juste continuer sur ma lancée, me concentrer sur les livraisons et faire comme s'il n'était rien d'autre qu'un passager un peu gênant.


Pourtant, il était impressionnant de constater à quel point il parvenait à être détestable sans même essayer. Je me demandai s'il avait des amis ? Une famille ? Y avait-il une pauvre femme qui acceptait de supporter son attitude revêche et insupportable ? Si c'était le cas, elle méritait une médaille pour son endurance et peut-être une année de séances de thérapie. Je ne pouvais pas m'imaginer me réveiller à côté de lui et être accueillie par ce froncement de sourcils perpétuel et cet air de supériorité constant. Est-ce qu'il souriait au moins ? Ou bien se contentait-il de regarder ses céréales le matin, jugeant le lait qui ne se versait pas assez vite ?


Et s'il avait une petite-amie... Seigneur. Est-ce qu'ils s’amusaient, ou est-ce que leurs soirées étaient des présentations programmées sur la façon la plus optimale de remplir un lave-vaisselle, ou de repasser le linge ? Peut-être avait-il un PowerPoint sur les raisons pour lesquelles les activités spontanées étaient des menaces pour la productivité.


Je faillis ricaner à cette idée, mais je me rattrapai juste à temps. La dernière chose dont j'avais besoin, c'était qu'il me surprenne en train de rire toute seule. N’empêche, je l’analysai du coin de l’œil. Peut-être qu'il n’avait pas de petite-amie du tout. Ni d'amis. Peut-être qu'il se contentait de recharger ses batteries en restant debout dans un bureau stérile tout en aspirant la chaleur de l'air qui l’entourait.


Cette pensée me fit ressentir un pincement inattendu. De la pitié, peut-être. Ou de la curiosité. Puis il fit un bruit qui ressemblait à un soupir d'agacement, et toute la compassion que j'avais s’évanouit aussitôt.


Néanmoins, je me demandais ce qui l'avait rendu ainsi. S’était-il réveillé un jour en décidant de voir avec quelle efficacité il pouvait écraser l'esprit des gens, ou était-ce une sorte de défi personnel de toute une vie ?


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2 commentaires

Beryl L

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Il y a 6 jours

Oh, ce chapitre est super court !

Candace Lovely

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Il y a 2 jours

Oui, parce qu'avec la limite des 7000 caractères, j'avoue que le découpage est plus compliqué mais je retravaillerais ça plus tard
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