Fyctia

Après une demi-année assombrie par les intempéries, l'été faisait enfin son grand retour.

Ce phénomène semblait redonner une certaine dynamique à notre belle capitale. Les sourires et les tenues colorées affluaient de toute part. Quant aux terrasses des cafés, elles ne se désemplissaient jamais et les noms, très aguicheurs, des cocktails estivaux submergeaient leurs panneaux d'accueil.

Sex on the beach

Sea sexe and sun

Cette euphorie m'enivrait de bonheur...jusqu'à aujourd'hui.

Seulement sept ridicules petits jours avant nos vacances pour Bali, mon merveilleux petit ami n'a rien trouvé de mieux à faire que de m'annoncer qu'il était marié.

Après 1 an de relation et des projets plein la tete, la pilule est dure à avaler.

- Tu comprends, je ne pouvais pas te le dire plus tôt.

Je comprends surtout qu'il devrait se taire et récupérer ses affaires que je viens, à l'instant, de jeter par la fenêtre. Accompagnée de toute mon affection, évidement.

- Elise, pourquoi tu fais ça? Je n'étais présent que le mercredi et parfois le samedi, tu devais t'en douter quand même, non?

Je ne saurais dire ce qui est pire. Être prise pour une imbecile où se sentir imbécile?

Dans ma situation, les deux peuvent être pris en considération...et c'est peut-être ça le pire.

- Dis quelque chose, enfin!

Son air contrarié m'ôte les mots de la bouche. Suis-je entrain de rêver? Qui est cet homme face à moi?

Tant de moments partagés et pourtant...

- Casse-toi! Finis-je par dire, le bras dirigé vers la porte d'entrée.

- Nous pourrions quand même partir pour Bali la semaine suivante? J'avais complètement oublié que le mariage de ma belle-sœur était prévu le 7 et je n'arrivais plus à te cacher la vérité. Pardonne moi, je ne veux pas que l'on arrête, je t'aime tellement Élise.

Je ris de bon cœur. Il se paye ma tête, l'enflure!

- Casse-toi! Répété-je, avec davantage de virulence cette fois.

Après diverses et parfois ingénieuses tentatives de retournement de situation, je dois bien l'admettre, Laurent se décide enfin à partir. Penaud, il glisse ses lunettes de soleil sur son -gros- nez et quitte, la tête basse, ce qui fut un jour notre foyer. Ou du moins ce que j'ai, naïvement, pensé être notre foyer.

Abandonnée et séparée, je pleure toutes les larmes de mon corps. Moi qui m'imaginait déjà sur une plage de sable blanc avec pour seule perspective une eau turquoise à perte de vue et un mojito dans chacune de mes deux mains.

A présent, la seule vision qui me reste est celle de la barre d'immeubles se trouvant face à ma fenêtre. Ah...et cette minuscule parcelle de ciel bleu uniquement perceptible une fois la tete collée au sol.

Les deux prochains mois risquent d'être d'une lenteur impitoyable. Quelle idée saugrenue de devenir institutrice, un rêve de gosse gouverner par une ténacité et un entêtement sans limite.

Appréhender des gamins innocents afin qu'ils effectuent leur grande entrée dans notre société fut un critère indiscutable dans le choix de mon orientation. L'école est le commencement de l'apprentissage de la vie et y participer m'a toujours intéressé.

Bien sûr, les semaines de congés payés ne m'ont pas rebuté et me laissaient même la possibilité de découvrir le monde plusieurs fois dans l'année.

Aujourd'hui, ces vacances tant désirées ne m'auront jamais autant apeurées. Plus de Laurent. Plus de Bali.

Avec quelques heures de recul je ne saurais même plus dire pour lequel des deux je ressens le plus de regrets. Peut-être Bali. Peut-être Laurent. Non pas Laurent. Bali. Oui, c'est ça, Bali, pour faire la belle en bikini.

Cette futile pensée me replonge dans les pleurs, ou plutôt dans ce qu'il me reste de pleurs, c'est à dire plus grand chose. Trois mois a faire du sport 2 heures par jour et tout autant d'uv afin d'obtenir un corps de rêve. A qui vais-je bien pouvoir montrer ces petites fesses rebondies et cette peau hâlée, maintenant? Je n'ai entendu que du bien de Paris plage, je devrais peut-être me renseigner, que mes efforts soient tout de même récompensés.

La sonnerie de mon téléphone portable me sort de ce moment empli de tristesse et de solitude. J'essuie d'un revers de la main la morve qui essaye gentiment de se frayer un passage en dehors de mon membre nasal puis m'empare de l'objet bruyant. C'est peut-être Laurent qui m'appelle pour m'annoncer qu'il m'a menti pour me tester et qu'il est fou amoureux et qu'il est très heureux de partir à Bali avec moi dans 7 jours et qu'il...

Sophie

« - Salut Bella! Tu fais quoi?

- Hey sop.

- C'est quoi cette voix d'outre tombe?

- Je...je...Laurent...

- Non mais je rêve ou tu pleures?

- Oui...c'est...il...

- Lili, calme toi, qu'est ce qu'il t'a fait ce monsieur parfait qui est loin d'être parfait?

- Il...il...on...il est...

- Bon n'en dis pas plus, je suis chez toi dans 5 minutes, 10 tout au plus. A tout de suite.»

Je n'ai pas le temps d'enchaîner, je viens d'activer Sophie la tornade -à ne pas confondre avec Sophie la girafe.

Ma meilleure amie n'a jamais vraiment porté Laurent dans son cœur, me répétant sans cesse que quelque chose clochait chez « ce beau mâle », s'il on reprend avec précision le terme employé.

Lui annoncé que ce quelque chose ne devait être autre que sa femme ne sera sans doute pas le bienvenu et je redoute clairement sa réaction tant son impulsivité peut parfois se révéler ingérable.

Les 5 minutes à venir me laissent tout juste le temps de me démaquiller. Il faut dire qu'il y en a du noir à enlevé. Mon mascara s'est accaparé l'intégralité de mon visage allant même jusqu'à rencontrer le bout de mon menton. Dommage que nous ne soyons pas en pleine période d'halloween, car malgré l'aide de tutos maquillage sur internet, je n'ai jamais réussi à obtenir un aussi beau résultat d'épouvante qu'à cet instant. Il n'y a pas à dire, la vie est parfois sacrément mal faite...