Fyctia

— Passons au planning du jour. Des césariennes programmées ?

Quand Raphaël tend la main pour récupérer un feuillet qu’un collègue lui tend, je repère du coin de l’œil Julie qui vérifie l’écran de son téléphone.

Comme elle l’a déjà fait il y a trente secondes, puis la minute précédente.

— Que se passe-t-il ? Rien de grave ?

Elle lève vers moi un regard vide, et je repense à ce qu’elle m’a dit plus tôt, sur les larmes qu’elle retenait.

— Sacha veut faire un break.

— Merde.

— Comme tu dis.

— Elle t’a expliqué pourquoi ?

Julie s’apprête à répondre, mais se ravise aussitôt.

— Ton prince charmant est en train de nous observer avec l’air du professeur désabusé par deux élèves turbulentes.

— Ne l’appelle pas comme ça.

— Si tu t’affublais d’une minijupe à carreaux et de bas nylon jusqu’à mi-cuisses, peut-être que tu pourrais nous éviter l’heure de colle ? me taquine-t-elle en arquant un sourcil malicieux.

— Vas-tu te taire ! vociféré-je à voix basse.

Cette fois-ci, impossible d’y couper. Embarrassée par les propos de Julie, j’ai parlé trop fort. Elle a raison : Raphaël nous vise de ses yeux noirs.

— S’il-vous-plaît, dans le fond !

Nous sommes réprimandées comme les deux cancres que nous n’avons jamais été. Qui pourrait croire, actuellement, que Julie a été pressentie pour le poste de chef de service et que j’ai terminé major de ma promo ? Tout ça, c’est la faute de Raphaël. D’habitude, je suis attentive et disciplinée, mais sa présence perturbe ma concentration.

— Un avis à apporter, Docteur Caron ?

De quoi parle-t-il ?

— Réponds-lui que l’administration de bétaméthasone a été retardée, mais que le bébé ne semble pas en avoir souffert et que le reste de la prise en charge est impeccable, me souffle Julie.

Aussi peu fière que si j’avais triché aux ECN, je répète mot pour mot ce qu’elle vient de me dire.

À l’autre bout de la table, Raphaël accuse quelques secondes de réflexion avant de changer de sujet, hésitant visiblement entre enfoncer le clou et passer l’éponge.