Sandra MALMERA 24 jours, un chocolat 24. Confrontation 1/4

24. Confrontation 1/4

Mercredi 05 décembre ASHLEY


Impossible de fermer l’œil de la nuit. Mes pensées étaient trop embuées par la révélation de Joe. Merde alors ! Elle était devant moi pendant tout ce temps et je n’avais rien compris, rien vu, pas fait le lien. Pourtant c’était évident. Mais parfois l’évidence est difficile à discerner. Après tout, c’est ce qu’on dit : c’est quand on arrête de chercher qu’on trouve. Du moins… en général. Putain, j’ai encore du mal à croire que Stella est l’autrice de ses œuvres. Comment fait-elle pour rester anonyme ?

Je vérifie l’heure encore une fois. Aujourd’hui, il est hors de question que j’arrive en retard au bureau. Je dois lui parler. Lui demander, pourquoi ? Mais pourquoi quoi ? Au fond, elle n’avait pas l’obligation de me le dire. Ni même de le crier sur tous les toits. Sauf que merde, elle aurait pu me faire confiance ! Elle aurait dû ! Vraiment ? Après toutes ces années ? Oui ! Je n’en ai rien à foutre du temps, des années sans elle ! Je veux tout connaître, tout apprendre d’elle ! Et ça, c’est important ! Une putain d’information qui pourrait changer sa vie !

Alors pourquoi se cacher ? Pourquoi fuir la réalité ? Merde ! Elle pourrait être exposée dans des musées et au lieu de cela, elle se contente de peindre à la volée dans les rues, sous des ponts. Je… Non. J’ai tort. Elle a des clients, des privilégiés comme Joe pour qui elle accepte de créer des travaux exceptionnels. C’est d’ailleurs sur ses décors que le Loch Ness a fait sa réputation en plus d’être un hybride entre bar et boîte de nuit. Mais quand même…

J’ai cette boule au creux du bide, ce poids qui ne cesse de grossir au fur et à mesure que je m’approche de l’entrée de l’entreprise. Elle m’a menti ! Elle avait raison… je ne la connais plus. Pourtant, j’ai cru à un rapprochement. Nos baisers ? Ils étaient réels, intenses, électriques. Ils me donnent de nouveaux frissons rien qu’en y pensant, en les voyant surgir dans mon crâne comme un rappel d’un bonheur éphémère.

Putain de coïncidence ! Non. Putain de destin qui se fout de moi.

Traînant des pieds, je parviens tant bien que mal jusqu’aux portes de l’ascenseur. Ce qui m’entoure est flou, je suis trop perdu dans le flot de pensées à la fois négatives et positives qui m’assaillent. Je navigue comme un automate. D’ailleurs, je ne suis pas certain de ma tenue. Depuis que mes pieds se sont posés sur le sol ce matin, je suis en pilote automatique. Et ce n’est pas la chevelure brune que je crois apercevoir qui me sortira de ce cercle vicieux qui semble m’emprisonnait.

Le « ding » sonore de l’ouverture des portes métalliques me fait lever la tête. Je tire une nouvelle fois sur mes cheveux que je n’ai pas pris la peine de coiffer et j’avance. Un pas après l’autre, le visage fermé. Mes mains viennent ensuite se planquer dans mes poches. L’une d’elle se serre autour du papier froissé que m’a donné Joe. Ce putain de mot qui porte la preuve de l’identité de Cassie : Stella. Merde ! C’était… elle. Toujours. Une étoile filante pour signature et un surnom que je connais, j’aurais dû savoir.

Je grogne alors que l’ascenseur se remplit, attirant l’attention des gens qui semblent m’accompagner bien malgré eux. Et ils n’ont pas intérêt à me faire le moindre reproche ! Sinon, je serais capable de mordre. Enfin… façon de parler. Je crois. Mes yeux se portent sur les boutons indiquant les étages auxquels va s’arrêter notre prison de fer, et je suis rassuré de voir que l’une des présences autour de mon corps se dirige au même que le mien. Le dernier. Celui qui touche le ciel.


— Au plus près des étoiles. Quelle connerie, marmonné-je en serrant les mâchoires.


Et alors que mes pensées retournent auprès des œuvres de Stella, que la boîte de métal se met en mouvement, la mélodie qui d’habitude sort des enceintes sous des airs doux et frais de printemps m’agressent les tympans. Non mais je rêve ! C’est quoi encore ce BORDEL ? Qui a osé foutre cette merde dans mon ascenseur ? Sous les sons criants des paroles Mon beau sapin, je m’agite.

Je repère d’abord les sourires de certains employés, puis les regards interrogateurs se poser sur moi avant d’entendre les gloussements des deux Monique qui cachent leur bouche de leurs paumes. Pauvres connes ! Et dans un demi-tour pour trouver le coupable de cet acte, je tombe sur les yeux cristallins de celle qui me hante. Cassie ! Putain, elle n’a pas fait ça quand même ? D’ailleurs, comment ? Au fond, je m’en contrefous ! Bordel ! Une chanson de Noël ? Vraiment ?

Non ! Et puis quoi encore ?

Et pourquoi maintenant ?

Elle n’en a pas assez de me tourmenter ?

De jouer avec mes nerfs ?

De jouer les innocentes ?

Plus je l’observe, et plus mon corps se tend. Mes bras viennent se croiser sur ma poitrine, mon souffle se fait plus fort, plus lent aussi. Et mes sourcils se froncent à m’en faire mal, mais je n’y prête pas attention. Loin de là, parce que celle qui attire à présent tous les regards des plus curieux aux plus furieux, c’est Cassie. Cette femme à la chevelure brune qui penche la tête avec une sourire crispé, tordu par la surprise. Elle ne s’attendait pas à cette réaction de ma part. Mais putain, Stella ! Noël est mon cauchemar ! Mon putain de monstre dans le placard. La valise que je traîne comme un boulet attaché à ma cheville. Alors…


— Pourquoi ? grogné-je entre mes lèvres.


Elle n’ouvre pas la bouche. Le silence prend place. Nos spectateurs sont accrochés autant que moi à ses lèvres. Et cette fois, je n’ai pas envie de jouer, pas envie de l’embrasser, ni envie de sa douceur. Tout ce que je veux, c’est la vérité ! Cette putain d’histoire qu’elle me cache et surtout une explication à ce merdier qui me brûle les oreilles. La chaleur qui envahit mon visage n’annonce rien de bon. Alors j’essaie de me retenir, de retenir ses paroles qui risquent de la blesser mais je vais exploser.

Il ne suffit que de deux minutes à l’ascenseur pour faire une première escale. Personne ne bouge, la curiosité surement alors je lui tourne le dos. Me tiens droit et attends que mes salariés se donnent la peine d’aller travailler. Un, deux, trois. Je compte les secondes qui passent dans l’espoir de calmer mes tremblements et lâche un soupir pour évacuer la pression mais les doigts qui viennent se glissaient dans mon dos n’allument que plus l’étincelle du feu qui s’empare de mon corps.

Je me décale d’un geste brutal.

Les gloussements aigus des pimbêches m’horripilent. Nous ne sommes plus que quatre dans la boîte de métal mais je sens qu’elles vont vite sortir de là. Il le faut. Pris dans un orage, j’appuie d’un doigt ferme sur le bouton de l’étage juste en dessous du notre. Une minute et les portes se réouvrent. Cette fois, mon corps se met en mouvement sans retenue. J’attrape les bras de chacune des deux femmes et les pousse vers la sortie.


— Mesdames, un peu d’air ne vous fera pas de mal. Je voudrais que vous passiez dans le bureau du RH pour récupérer les dossiers de vos futurs stagiaires. Merci.


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