Fyctia
22. Quatrième case 1/4
Mardi 04 décembre — ASHLEY
Le reste de la matinée me semble bien longue. Je cogite, marmonne, trépigne même, le tout en observant la belle brune qui me retourne la tête. A la suite de son départ, j’ai baissé l’interrupteur qui me permet de transformer l’aspect du mur de verre de mon bureau. Ainsi il est passé de translucide à transparent, reprenant donc son apparence initiale pour le plus grand plaisir de mes rétines qui ne cessent de se perdre dans la contemplation des courbes de Stella.
Mais je crois que le pire n’est pas tant dans le fait que je rêvasse, je dirais plutôt qu’il est dans celui de mes doigts qui s’amusent à venir toucher les contours de mes lèvres dans l’espoir de sentir à nouveau la sensation des siennes. La pression à la fois douce et affamée que Cassie y a exercée. Cette passion dévorante qui habite encore le creux de mon ventre. Des battements de mon cœur qui s’affolent quand je me surprends à détailler chacun de ses mouvements, de ses doigts qui glissent, frôlent et caressent le téléphone avant de s’évader au-dessus de son clavier et de finir leur chemin dans ses cheveux, emprisonnant encore cette boucle sombre qu’elle malmène.
Malgré mon manque de sérieux évident, je tente de travailler, passant d’un mail à un dossier et laissant ainsi les aiguilles de l’horloge tourner jusqu’à en perdre la notion du temps. C’est d’ailleurs la sonnerie incessante de mon portable qui me ramène au présent. D’un coup d’œil à mon écran, je remarque l’heure puis me décide à répondre juste avant que le répondeur prenne le relais. C’est le sourire aux lèvres que j’entame cette conversation :
— Jack ? Que me vaut le plaisir ?
Le meilleur ami de mon père est l’un des seuls à avoir compris mes tourments d’adolescents. Il a été mon pilier après le décès de papa, un repère même. Un père de substitution, assez présent pour me maintenir hors de l’eau. Alors l’entendre ne serait-ce que pour cinq minutes est toujours un plaisir. Aujourd’hui, il m’annonce qu’il pense revenir en ville pour les fêtes, s’attend à ce qu’on se voie, s’organise peut-être un déjeuner, tout en me faisant remarquer qu’à midi et demi, je devrais plutôt être en plein repas que derrière mon bureau.
Je décroche de la conversation quand j’aperçois, par-dessus mon écran d’ordinateur, des boucles brunes flotter jusqu’à moi. Merde alors ! Savoir qu’elle vient à ma rencontre, m’excite et j’en perds totalement le fil de ma conversation. N’entends plus la voix grave de Jack, trop préoccupé par la présence lumineuse de Cassie dans mon bureau, qu’elle contourne. Ses yeux étincellent, malicieux. Elle se rapproche de moi, me tend la main avant de me montrer d’un hochement de tête notre calendrier de l’avent.
— Petit, tu m’écoutes ? demande Jack me surprenant.
Je me racle la gorge puis enchaine en plongeant mon regard dans celui de Stella :
— Tu as raison. Je devrais m’arrêter pour ce matin. En plus, je suis affamé. Je partagerais bien un morceau.
— Message reçu, gamin. Par contre, n’oublie pas que tu me dois un rapport sur la situation de l’entreprise. Je voudrais être sûr que Madame n’a pas remis son nez dans tes affaires.
Je grogne. N’aime pas ce qu’il insinue. Et pourtant… il a raison. Jeanne en serait capable surtout quand je pense à ce qu’elle avait l’intention de faire avec la boîte, si je ne l’en avais pas empêché. Merde ! La vendre au plus offrant alors que son mari avait tout donné dans cette création, son « deuxième bébé » comme il s’amusait à l’appeler et elle voulait tout souffler. Abandonner son grand projet comme si elle faisait tomber un château de cartes. Bravo ! Me voilà transporter vers des idées négatives.
Heureusement, le brouillard qui s’invite se disperse en un instant quand une main délicate vient se fermer autour de la mienne. Ma tête se penche vers le côté et le sourire que j’y trouve me ramène sur terre. Stella… Dans un dernier échange, je remercie Jack pour son intérêt et lui promets de lui envoyer ce qu’il m’a demandé. Puis, je raccroche. J’ignore pourquoi mais je garde pour moi la présence de Cassie à mes côtés. Souhaitant profiter de cette bulle que nous avons formée autour de nous depuis ce matin.
— Ash ?
— Oui ?
— Tu viens ? Je suis certaine qu’Éric et Vince, nous attendent, rit-elle en tirant sur mon bras pour m’inciter à me lever.
J’acquiesce et d’une poussée sur mes jambes, je me redresse pour la suivre. Un pas après l’autre, ma main toujours dans la sienne. J’oublie mes tourments, mes pensées sombres pour me concentrer sur cette femme qui je ne sais comment parvient encore et encore à faire entrer la lumière dans ma vie. D’ailleurs, je laisse un sourire en coin prendre possession de mes lèvres quand dans un geste vif, elle se retourne vers moi, pose sa main sur mon torse et tend son index vers mon bureau.
— Rodolf ? N’oublie pas que si je suis là avec toi, c’est aussi pour déguster ma moitié de chocolat.
— Oh vraiment, Stella ? Tu es sûre de ne pas vouloir goûter à autre chose ?
— Eh !
Elle pousse un cri contrarié tout en me frappant le bras sous mon regard attentif. Cette fois, je me mords la lèvre pour éviter de rire et je recule de quelques centimètres pour attraper l’objet de ses désirs. Décidément, Rodolf a une sacrée côte ! Dire que ce truc affreux ne serait même pas là sans Cassie… Cette fille a une forte tendance à modifier mes habitudes. Elle remue toutes mes exigences, change même mes rituels de connard. Tout ça, en gardant son putain de sourire visé à son visage.
Le pire, c’est que lorsque je fais demi-tour, il lui suffit d’une seconde pour retrouver ma main et entrelacer nos doigts. Cette femme me mène à me perte, pourtant… J’ai envie d’y croire, en fait j’y crois déjà. Sinon pourquoi est-ce que je la laisserais faire ? Comment expliquer que mes lèvres sont une fois de plus attirées par les siennes ? Mon désir se décuple au fur et à mesure que nos corps se connectent, se rencontrent, se reconnaissent.
Il vibre en moi comme s’il venait de se réveiller d’un long sommeil.
Alors avant que nous quittions cette bulle qu’est mon bureau, je l’attire à moi, me penche et dépose un baiser délicat sur sa bouche. Une caresse qui ne dure qu’une seconde mais qui suffit à fixer mon sourire à mon visage jusqu’à ce qu’on atteigne, quelques étages plus bas, notre table. Les pommettes rosées de Cassie indiquent à Éric que nous n’avons pas été sages, pourtant il ne dit rien. Se contente de nous accueillir avec une blague. Vince quant à lui me tape l’épaule au moment où mes fesses trouvent leur place entre mes deux complices, la jeune femme s’asseyant comme la veille en face de moi.
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