Fyctia
16. Pancakes 3/4
Les trois mousquetaires, encore et toujours.
Au moment où mon cul atterrit sur le haut fauteuil, un verre d’eau et un cachet d’aspirine apparaissent devant moi. Je m’accoude au plan de l’îlot, et d’un regard entendu vers celui qui m’a préparé ce remède, je balance le cocktail miracle dans ma bouche et l’avale. Je sais que ça ne fera pas effet tout de suite, mais au moins, ce bourdonnement incessant dans mes oreilles ne va pas tarder à s’estomper.
— Merci, dis-je en grognant à l’attention de Cole.
Il ne répond pas. D’ailleurs, personne ne parle alors que j’en suis sûr quelques instants avant tous les trois étaient en pleine conversation. Je soupire, me tire les cheveux en arrière tout en sachant pertinemment qu’ils ne ressemblent à rien et cale ma tête dans mes paumes pour examiner le moment qui s’offre à moi. Cole, lui, semble tout à coup plongé sur l’écran de son téléphone, avec un léger sourire en coin sur les lèvres.
Eliott ? Il a terminé son manège et nous rejoint en distribuant les tasses. Il en pose d’ailleurs une face à moi d’un air de dire que c’est naturel. Presque normal. Mais qu’est-ce qu’il l’est vraiment avec eux ? Puis, il se contente de s’installer et de patienter en sélectionnant, joyeux, les confitures qu’il compte étaler sur ses pancakes. Sa figure est lumineuse, elle irradie de malice comme un enfant qui est impatient de goûter aux délices que lui prépare sa mère.
Stella, elle ?
Elle est radieuse. Et une fois mon attention portée sur elle, je n’arrive plus à m’en détacher. Son corps est sensuel, pulpeux. Recouvert d’un fin t-shirt vert et d’un short recouvert d’une multitude d’oursons. Passant ainsi de celui qui tient un cœur à celui qui nous souhaite une « joyeux Noël ». Elle nous tourne le dos, concentrée dans la tâche qu’elle accomplie et ses cheveux qui ondulent jusqu’au milieu de celui-ci à chacun de ses mouvements. Ses fesses rebondies sont un plaisir pour mes yeux et mon entrejambe semble d’accord avec moi.
Dans un raclement de gorge, je me replace sur ma chaise pour reprendre contenance ayant conscience de me trouver bien entouré, les deux gardes du corps de miss Cassie de chaque côté de mon corps. D’ailleurs, ma gêne attire bien trop vite le regard perçant de Cole qui, je crois, comprend rapidement ce qui m’arrive. Fais chier ! Je toussote, essaie de fixer mes yeux dans le vide mais je n’y parviens pas, aimanté à la seule femme qui a su entrer dans mon cœur sans jamais en sortir.
— Tu vas te calmer tout de suite, Ash. Je suis déjà bien assez gentil comme ça, murmure Cole en se penchant vers moi.
— Fais gaffe, il vaut mieux pour toi que tu nous caresses dans le sens du poil, vient ajouter de l’autre côté Eliott me faisant déglutir difficilement.
— Vous faites quoi, tous les trois ?
Merde ! D’un même mouvement, nous nous redressons et affirmons d’une clameur en chœurs que tout va pour le mieux. Que les deux compères ici présents ne faisaient que s’assurer que je me sens dans mon assiette. Mais bien sûr… Tu t’es encore fourré dans de sales draps, Ash ! Une putain de situation de laquelle je n’ai même pas envie de m’enfuir. Au fond, cet appartement, cette colocation bien qu’elle soit envahie de décorations dégoulinantes de paillettes, c’est ce qui ressemble le plus à un foyer pour moi.
Cette pensée m’étonne, me prend au dépourvu. Mais je n’ai pas le temps d’y penser plus en profondeur que déjà une assiette apparaît entre mes coudes appuyer sur le comptoir. Qu’est-ce que ? Elle s’en souvient ? Une pile de cinq pancakes occupe le centre d’une coupelle en porcelaine. Un sandwich composé de ses succulents cercles moelleux, de confiture de fraises, et d’une touche de chantilly sur le dessus avec pour finir des copeaux de chocolat.
Un pincement au cœur, ma main vient serrer ma chemise à l’emplacement de mon tatouage. Cette femme sait comment me faire succomber. Elle touche mon point sensible, le tout avec un sourire magnifique sur ses douces lèvres. Cette bouche que j’embrasserais volontiers si elle m’en laissait l’occasion. Si elle me donnait la chance de me faire pardonner notre passé.
— Mama… susurré-je au bord des larmes. Comment tu…
— Je lui avais demandé son secret. J’avais tout prévu ce jour-là. Mais je n’ai… tu… Enfin. Nous n’en avons pas eu le temps.
— Je…
— Ouais. Vas-y, mange avant de gâcher notre rituel du dimanche avec vos souvenirs pathétiques.
Cole toujours la poésie pour nous remettre les pieds sur terre. D’ailleurs, ce n’est pas pour déplaire à Cassie qui rit doucement et s’installe de l’autre côté de l’îlot face à moi. Elle nous observe, passant de son frère à son meilleur ami avant de s’arrêter sur mon visage et y planter ses yeux. Merde ! Elle penche la tête, m’analyse et se concentre sur ma main encore serrée autour du tissu fluide de ma chemise. Ses paupières se plissent comme si elle tentait de lire à travers la matière et comprendre ce qui s’y cache. Mais elle abandonne dans un soupire las et se contente de hausser les épaules en plantant une fourchette dans sa composition sucrée.
— Alors pas trop secouer là-haut ? intervient Eliott quand le silence dans la pièce devient trop pesant.
Je grogne, me frotte la nuque et essaie de détendre mes nerfs tendus par la position étrange que j’ai dû adopter pour dormir. Ses simples gestes ont d’ailleurs le don de tirer à Stella un rire moqueur et de faire naître dans son regard une lueur de malice. Malice dont je me souviens que trop bien. Intrigué, je pointe mon couvert vers elle et l’accuse sans preuve :
— Ton canapé est aussi un lit ! Putain, Stella ! Tu te fous de moi ! J’ai mal partout à cause de toi. Sérieux…
— Tu n’avais qu’à pas me chercher et jouer avec les étoiles de mon sapin, m’annonce-t-elle en tirant la langue telle une enfant.
Mais c’est qu’elle me provoque en plus !
— Ce n’est pas de ma faute ! Vous avez vu votre appart ? C’est limite si une licorne n’a pas chier sur les murs tant il y a de paillettes partout ! Et encore, je ne parle pas de ses foutues guirlandes qui clignotent sans arrêt ! Sans blague, ce n’est tout simplement pas possible de survivre à tant de fioritures ! Surtout celles de Noël ! Et puis, c’est quoi ça ?
Je m’emporte, lâche ma fourchette dans un tintement alors que je me tourne vers le mur qui se trouve entre la porte d’entrée et une autre porte au fond à gauche de leur salon. Tiens, je ne l’avais pas remarqué avant. Ce n’est quand même pas une chambre d’amis ? Si ? Je fronce les sourcils tout en continuant de fixer mon index droit sur les dernières coupables de cette mascarade.
— Des chaussettes ! Des putains de chaussettes carmin avec de la moumoute blanche ! Et quoi ? Ah oui… vos prénoms brodés avec du fil doré. Toujours plus cliché. C’est à vomir, et le pire ! C’est que je suis prêt à parier que le père-noël miniature qui se trouve sur la cheminée à un interrupteur sous les pieds lui permettant de chanter à qui veut l’entendre, ses satanés chansons aux sons de clochettes !
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