Fyctia
Chapitre 3
Le café était plongé dans un silence morose, un contraste frappant avec l'éclat des disputes qui venaient de s’y dérouler. Emily fixait les restes du chaos sur le comptoir – une tasse à moitié vidée, une cuillère abandonnée – comme si ces objets anodins portaient le poids de l’échange houleux qu’elle venait d’avoir avec sa sœur.
Elaine, de son côté, ne faisait aucun effort pour masquer son mécontentement. Adossée contre le mur près de l’entrée, les bras croisés, elle lançait des regards noirs à Emily. La présence de Daphné, accoudée près de la porte, ne faisait qu’accentuer la tension.
— Tu devrais sortir, Emily, lança Daphné d’un ton qui se voulait léger mais qui n’avait rien d’anodin. Ça te ferait du bien de changer d’air.
— Pourquoi est-ce que ça te préoccupe autant ? répondit sèchement Elaine, ses mots sifflant comme des flèches.
Daphné tourna lentement la tête vers elle, un sourire poli mais acéré accroché à ses lèvres.
— Parce qu’elle mérite mieux que de moisir ici avec toi, rétorqua-t-elle doucement, sans élever la voix.
La remarque fit mouche. Elaine se redressa, prête à riposter, mais Emily leva une main pour imposer le silence.
— Ça suffit, toutes les deux, souffla-t-elle.
Elle tourna son regard fatigué vers Daphné.
— Et si je dis non ?
Daphné haussa les épaules, jouant de son assurance habituelle.
— Alors je te traînerai moi-même jusqu’au "X Night".
Le nom du bar fit froncer les sourcils d’Elaine.
— Bien sûr, le fameux "X Night", marmonna-t-elle avec mépris. Ce n’est qu’un repaire de...
— De quoi ? l’interrompit Daphné, ses yeux brillants d’un éclat amusé. De personnes normales qui savent s’amuser ?
Emily, acculée entre les deux, soupira profondément.
— Elaine, ça va. Je vais sortir.
Elaine ouvrit la bouche, probablement pour protester, mais Emily l’arrêta d’un geste.
—Je vais bien.
Les mots d’Emily sonnèrent creux, mais Elaine n’insista pas. Elle détourna le regard, frustrée, tandis que Daphné affichait un sourire triomphant.
Quelques heures plus tard, Emily se tenait sous les lumières aveuglantes du "X Night". La musique battait son plein, une vague rythmique qui faisait vibrer le sol sous ses pieds. Daphné, à l’aise, semblait connaître tout le monde. Emily, en revanche, se sentait étrangère dans ce lieu saturé de bruits et de mouvements.
Mais elle avait accepté. Par défi autant que par épuisement.
Malgré son appréhension initiale, Emily finit par se laisser entraîner par Daphné. Elle se surprit à rire à une blague maladroite de son amie et à taper doucement du pied au rythme de la musique. L’atmosphère effervescente du bar commençait à l’envelopper, et même si elle gardait un verre d’eau en main, Daphné insista pour qu’elle goûte un cocktail léger.
— Juste une gorgée, plaida Daphné avec un sourire encourageant. Promis, ce n’est pas fort.
Emily céda, levant le verre coloré à ses lèvres. Le goût sucré et acidulé glissa doucement dans sa gorge, et elle roula les yeux.
— C’est meilleur que ce que je pensais, admit-elle avec un sourire timide.
— Tu vois, je te l’avais dit ! lança Daphné en riant.
Pour un instant, Emily oublia ses inquiétudes. Elle se mêla à l’enthousiasme ambiant, acceptant même de se lever pour rejoindre un groupe qui dansait près de leur table. La musique, les lumières, et l’énergie des gens autour d’elle lui donnaient presque l’impression d’être une autre personne.
Mais alors qu’elle commençait à se détendre, une chaleur désagréable s’installa dans sa poitrine. Sa respiration devint légèrement laborieuse. Emily posa une main contre son sternum, espérant que cela passerait, mais la sensation s’intensifia.
— Emily ? Ça va ? demanda Daphné, remarquant son changement d’expression.
— Oui, oui... juste un peu chaud, mentit Emily en se levant précipitamment. Je vais... aux toilettes.
Sans attendre de réponse, elle traversa la foule, son souffle devenant de plus en plus court. Elle maudit intérieurement sa propre négligence : son inhalateur, pourtant essentiel, était resté chez elle. L’alcool avait probablement aggravé son asthme, et elle se maudissait de ne pas y avoir pensé plus tôt.
C’est ainsi qu’elle atteignit le couloir des toilettes, où ses jambes faiblirent.
1 commentaire
Sofia77
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Il y a 3 mois